Partie générale – Eaux suissses

Proposition pour la citation du texte original allemand : Katja Gfeller, Wassersport auf öffentlichen Gewässern der Schweiz, in: Anne Mirjam Schneuwly (Hrsg.), Wassersportkommentar, https://wassersportkommentar.ch/AT_oeffentliche-gewaesser, 1. Aufl., (publiziert am 24. Mai 2022).


Bibliographie

Biaggini, Giovanni, BV Kommentar, 2. Aufl., Zürich 2017 (zit. Biaggini, Komm. BV); Flückiger, Andreas, Gemeingebrauch an oberirdischen öffentlichen Gewässern, insbesondere die Schiffahrt auf Schweizer Gewässern, Diss. Basel 1987; Häfelin, Ulrich/Müller, Georg/Uhlmann, Felix, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8. Aufl., Zürich/St. Gallen 2020; Jaag, Tobias, Gemeingebrauch und Sondernutzung öffentlicher Sachen, in: ZBl 93/1992 S. 145 ff.; Jaag, Tobias/Rüssli, Markus, Staats- und Verwaltungsrecht des Kantons Zürich, 5. Aufl., Zürich 2019; Karlen, Peter, Schweizerisches Verwaltungsrecht, Zürich 2018; Kern, Markus, in: Waldmann, Bernhard/Belser, Eva-Maria/Epiney, Astrid (Hrsg.), Basler Kommentar, Bundesverfassung, Basel 2015; Kernen, Alexander, in: Kren Kostkiewicz, Jolanta/Wolf, Stephan/Amstutz, Marc/Frankhauser, Roland (Hrsg.), Orell Füssli Kommentar, ZGB Kommentar, 4. Aufl., Zürich 2021; Lendi, Martin/Uhlmann, Felixin: Ehrenzeller, Bernhard/Schindler, Benjamin/Schweizer, Rainer J./Vallender, Klaus (Hrsg.), St. Galler Kommentar, Die Schweizerische Bundesverfassung, 3. Aufl., Zürich 2014 (zit. SG Komm.); Märki, Raphaël/Wyss, Karl-Marc, Bungeesurfen im Recht, Eine verwaltungsrechtliche Einordnung des Bungeesurfens im Kanton Bern sowie haftpflicht- und versicherungsrechtliche Hinweise, in: Jusletter 8. April 2019; Felix Marti, Arnold, in: Ehrenzeller, Bernhard/Schindler, Benjamin/Schweizer, Rainer J./Vallender, Klaus (Hrsg.), St. Galler Kommentar, Die Schweizerische Bundesverfassung, 3. Aufl., Zürich 2014 (zit. SG Komm.); Meier-Hayoz, Arthur, Berner Kommentar, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Band IV: Sachenrecht. 1. Abteilung: Das Eigentum, Art 646-654, Bern 1959; Rentsch Max, Öffentliche Sachen, in: ZBGR 61/1980 337 ff.; Rey, Heinz/Strebel, Lorenz , in: Geiser, Thomas/Wolf, Stephan (Hrsg.), Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch II, 6. Aufl., Basel 2019 (zit. BSK ZGB II); Rüegger, Vanessa, Der Zugang zu Wasser als Verteilungsfrage, Das Verhältnis zwischen dem Menschenrecht auf Wasser und den Herrschafts- und Nutzungsrechten an Wasservorkommen, Diss. Freiburg i.Ue. 2013; Rüssli, Markus, in: Häner, Isabelle/Rüssli, Markus/Schwarzenbach, Evi (Hrsg.), Kommentar zur Zürcher Kantonsverfassung, Zürich 2007 (zit. KV/ZH Komm.); Schneuwly, Anne Mirjam, Kitesurfen im Schweizer Rechtsraum, in: AJP 4/2017 539 ff.; Vogel, Robert/Hartmann, Stephan/Schib, Werner, Schifffahrtsrecht, in: Müller, Georg (Hrsg.), Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht Band IV, Verkehrsrecht, Basel 2008, S. 447 ff.; Wiederkehr, René/Richli, Paul, Praxis des allgemeinen Verwaltungsrechts, Band II, Bern 2014.

Index des matériaux

Botschaft zu einem Bundesgesetz über die Binnenschiffahrt vom 1. Mai 1974, BBl 1974.

Partie générale : Sports nautiques sur les eaux publiques suisses

[1]

Avec ses nombreux lacs et rivières, la Suisse offre des conditions idéales pour la pratique de toutes sortes de sports nautiques. Mais les nombreuses ressources en eau réparties sur l'ensemble du territoire national répondent également à d'autres besoins. Elles servent notamment à l'approvisionnement en eau, à la production d'énergie, à la navigation, à la pêche, etc. Les eaux constituent donc des écosystèmes sensibles qu'il convient de protéger contre la surexploitation et la pollution. Il est évident que la coordination des divers intérêts liés à l'utilisation des eaux et la garantie d'une protection suffisante des eaux nécessitent une certaine régulation. Dans ce contexte, les eaux publiques sont soumises à de multiples réglementations au niveau international, national, cantonal et parfois aussi communal.

[2]

Dans un premier temps, nous nous pencherons sur la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons en matière de réglementation de l'utilisation des eaux à des fins sportives. Dans un deuxième temps, nous exposerons les principes de l'usage commun des eaux publiques et les mettrons en relation avec la pratique des sports nautiques.

I. Répartition des compétences entre la Confédération et les cantons

A. Souveraineté cantonale sur les eaux

1. Généralités

[3]

En vertu de l'art. 76 al. 4 Cst., les cantons disposent des ressources en eau. La souveraineté cantonale sur les eaux est ainsi ancrée dans la Constitution (cf. aussi art. 3 LNI ; art. 664 al. 1 CC ; au niveau cantonal, cf. p. ex. art. 105 al. 1 KV/ZH ; art. 37 al. 1 KV/OW). Elle découle toutefois déjà du principe de la compétence générale subsidiaire des cantons (art. 3 Cst.), de sorte que les ancrages explicites au niveau constitutionnel et législatif n'ont qu'un caractère déclaratoire (Biaggini, Komm. Cst., art. 76 n. 7 ; BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 3 s. ; Rüegger, p. 10).

[4]

Par souveraineté cantonale sur les eaux, on entend le pouvoir normatif global de droit public des cantons, en vertu duquel ils peuvent déterminer dans le droit cantonal, par exemple, quelles eaux doivent être considérées comme publiques sur leur territoire national et quelles positions juridiques existent et peuvent être fondées sur elles (BSK ZGB II-Rey/Strebel, Art. 664 n. 23 ; cf. aussi BK ZGB-Meier-Hayoz, Art. 664 n. 21 ss, 108 ; SG Komm. BV-Marti, art. 76 n. 26 ; Rüegger, p. 12 ; cf. aussi les arrêts du TF du 2 juin 2012, 2C_900/2011, consid. 2.1 ; du 20 décembre 2010, 2C_622/2010, consid. 3.2). Les cantons ne sont pas tenus d'exercer eux-mêmes leurs droits de souveraineté ; ils peuvent également les déléguer à d'autres organes intracantonaux, tels que les districts ou les communes (BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 16 s. ; BSK ZGB II-Rey/Strebel, art. 664 n. 23 ; Rentsch, p. 339 ; à titre d'exemple, cf. § 4 al. 1 WRG/SZ, selon lequel la souveraineté sur les eaux courantes publiques revient aux districts). Les rapports de propriété relevant du droit réel ne doivent pas être assimilés à la souveraineté matérielle de droit public (cf. à ce sujet BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 50 ss ; Rentsch, p. 339 ; cf. aussi ATF 95 I 247 consid. 2). Le fait que les cantons revendiquent la propriété du cours d'eau en plus de la souveraineté n'est pas pertinent pour le pouvoir de domination, d'autant plus que la propriété n'élargit en aucune manière le pouvoir global d'édicter des normes (BK ZGB-Meier-Hayoz, Art. 664 n. 59 ; cf. aussi Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2238).

[5]

La notion de "ressources en eau" utilisée à l'art. 76 Cst. doit être comprise au sens large : Elle comprend les eaux souterraines et superficielles, naturelles et artificielles, ainsi que publiques et privées (Biaggini, Komm. BV, art. 76 n. 3), sachant que ce sont en premier lieu les eaux superficielles, naturelles et publiques qui sont intéressantes pour la pratique des sports nautiques. La question de savoir si les glaciers, en tant que réserves d'eau fixes, tombent également sous le coup de cette disposition est diversement appréciée dans la littérature (en principe, SG Komm. BV-Marti, art. 76 n. 10 ; BSK BV-Caluori/Griffel, art. 76 n. 7, répondant par la négative). Comme l'explique Biaggini, il ne faut pas répondre à cette question de manière générale, mais en fonction du thème de la réglementation (Biaggini, Komm. BV, art. 76 n. 3). Ainsi, la législation sur la navigation, pertinente pour les sports nautiques (voir à ce sujet les n. 10 ss. et 27 ss. ci-après), ne s'applique guère aux glaciers, contrairement à la législation sur la protection des eaux (voir à ce sujet Ribaut, n. ....).

2. Caractère public des eaux

[6]

La compétence de réglementer quelles eaux sont considérées comme publiques et mises à la disposition du public revient aux cantons en tant que détenteurs de la souveraineté sur les eaux (p. ex. Flückiger, p. 48). La plupart des cantons déclarent toutes les eaux de surface comme publiques, pour autant qu'aucune propriété privée ne soit prouvée. Sont ainsi régulièrement définies comme eaux de surface les eaux à débit permanent et à chenal fixe telles que les lacs, les étangs, les rivières et les ruisseaux (cf. p. ex. § 5 Abs. 1 Wasserwirtschaftsgesetz des Kantons Zürich vom 2. Juni 1991 [WWG/ZH; LS 724.11]; § 5 Abs. 1 und 2 Wasserbaugesetz des Kantons Luzern vom 17. Juni 2019 [WBG/LU; SRL 760]; Art. 2 Abs. 1 Gesetz über den Wasserbau und die Wassernutzung vom 31. Mai 2001 [Wasserbaugesetz/OW; GDB 740.1]; § 1 Abs. 1 Ziff. 3 Wassernutzungsgesetz des Kantons Thurgau vom 25. August 1999 [WNG/TG; RB 721.8]). Dans certains cantons, les grandes eaux de surface sont en outre énumérées nommément et expressément constituées comme publiques (cf. Art. 3 Gewässernutzungsgesetz des Kantons Uri vom 1. April 1993 [GNG/UR; RB 40.4101]; § 2 Wasserrechtsgesetz des Kantons Schwyz vom 11. September 1973 [WRG/SZ; SRSZ 451.100]). En outre, les cantons peuvent, en vertu de leur souveraineté sur les eaux, déclarer publics des cours d'eau qui font l'objet d'une propriété privée, d'autant plus que le caractère public d'un cours d'eau est largement dissociable de la question de la propriété et que la déclaration de caractère public d'un cours d'eau présuppose certes la souveraineté sur le cours d'eau, mais pas la propriété de celui-ci (sur l'ensemble, Flückiger, p. 48).

[7]

Dans l'ensemble, la plupart des lacs et des rivières, en tant qu'eaux de surface naturelles, et donc les eaux qui intéressent principalement les amateur-e-x-s de sports nautiques, sont constituées par le droit cantonal en tant qu'eaux publiques. Les eaux publiques sont en principe à la disposition du public (voir à ce sujet les nos 47 ss. ci-après).

3. Limites à la souveraineté cantonale sur les eaux

[8]

La souveraineté cantonale sur les eaux trouve ses limites dans le droit public fédéral (BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 101 ; BSK ZGB II-Rey/Strebel, art. 664 n. 24 ; OFK ZGB-Kernen, art. 664 n. 5 ; Rentsch, p. 340).

[9]

Du point de vue du droit des sports nautiques, les dispositions de la Confédération concernant la navigation (art. 87 Cst. ; voir à ce sujet N. 10 ss. ci-après) et la protection des eaux (art. 76 al. 3 Cst. ; voir à ce sujet Ribaut, n. ...) sont d'une importance primordiale.

B. Législation fédérale sur la navigation intérieure

1. Généralités

[10]

La législation relative à la navigation relève de la compétence de la Confédération (art. 87 Cst.). La Confédération dispose d'une compétence législative globale (BSK BV-Kern, art. 87 n. 20) avec un effet dérogatoire subséquent (arrêt du TF du 10 août 2005, 2P.191/2004, consid. 2.2). Par conséquent, les dispositions fédérales sur la navigation édictées sur la base de l'art. 87 Cst. priment sur le droit cantonal éventuellement contraire. La Confédération doit toutefois respecter la souveraineté cantonale sur les eaux lorsqu'elle légifère et édicte des ordonnances dans le domaine de la navigation (cf. art. 3 al. 1 LNI ; Märki/Wyss, n. 7).

[11]

Dans l'exercice de sa compétence législative globale, le Parlement fédéral a édicté la loi fédérale sur la navigation intérieure (ONI ; RS 747.201.1). Conformément à l'art. 1 al. 1 LNI, la loi sur la navigation intérieure régit la navigation sur les eaux suisses, y compris les eaux frontalières. Les conventions internationales et les prescriptions qui en découlent sont réservées (art. 1 al. 3 LNI ; voir à ce sujet N. 39 ss. ci-après). Selon le message, la loi sur la navigation intérieure doit, en tant que loi-cadre, créer les compétences pour des dispositions d'exécution uniformes (FF 1974 I 1552). Conformément à ce but, la loi sur la navigation intérieure s'applique matériellement à tous les types de navigation, à savoir la navigation de passagers, de marchandises, de sport et de plaisance (Vogel/Hartmann/Schib, n. 6).

2. Les engins de sport nautique en tant que bateaux

[12]

Le champ d'application matériel de la législation sur la navigation intérieure résulte pour l'essentiel de la définition de la notion de bateau donnée à l'art. 2 ONI. Ainsi, selon l'art. 2 al. 1 let. a ch. 1 ONI, on entend par bateau un bâtiment ou un autre engin flottant destiné à se déplacer sur ou sous la surface de l'eau, ou un engin flottant. Alors que certains engins de sport nautique, comme par exemple la planche à voile (cf. à ce sujet Märki/Wyss, n. 11), sont déjà considérés comme des bateaux en raison de cette définition large de la notion de bateau, l'art. 2 al. 1 let. a ONI définit de nombreux autres engins de sport nautique et les inclut expressément dans la notion de bateau au sens de la législation sur la navigation intérieure : ainsi notamment le bateau à voile (ch. 9), la planche à voile (ch. 10), le bateau à rames (ch. 11), le raft (ch. 12), le bateau pneumatique (ch. 13), le bateau de plaisance (ch. 14), le bateau de sport (ch. 15), le kitesurf (ch. 16), le scooter des mers (ch. 18), le engin de plage (ch. 20), le bateau à pagaie (ch. 21) et le scooter de plongée (ch. 23) (pour plus de détails sur les différents types de sports nautiques, voir Partie spéciale ...).

[13]

En conclusion, outre la navigation "au sens strict", l'utilisation de véhicules nautiques et d'engins de sport nautique à des fins de sport et de divertissement et, dans cette mesure, la pratique de sports nautiques en général entrent dans le champ d'application de la législation sur la navigation intérieure (cf. déjà ATF 119 Ia 197 consid. 2b avec renvoi à FF 1974 I 1553).

3. Dispositions pertinentes pour les sports nautiques

[14]

La loi sur la navigation intérieure a notamment pour objet de réglementer la construction et l'exploitation des installations portuaires (art. 8 s. LNI), les exigences auxquelles doivent satisfaire les bateaux et les conducteurs/rices de bateaux (art. 10 ss. LNI), les règles de circulation (art. 22 ss. LNI), la réglementation de la navigation internationale sur le Rhin (art. 28 ss. LNI) ainsi que les aspects de responsabilité et d'assurance (art. 30a ss. LNI ; cf. aussi BSK BV-Kern, art. 87 n. 20). Le règlement contient des prescriptions qui concrétisent ces dispositions.

[15]

Les dispositions de la LNI et de l'ONI pertinentes pour la pratique des sports nautiques en utilisant un "bateau" au sens du droit de la navigation intérieure sont mises en évidence ci-après.

a. Obligation générale de diligence, de sauvetage et d'annonce
[16]

Selon l'art. 22 al. 1 LNI, le/la conducteur/rice du bateau, c'est-à-dire également celui qui pratique des sports nautiques avec un "bateau", doit prendre toutes les mesures de précaution que commandent le devoir général de prudence et l'usage dans la conduite du bateau, afin de ne mettre personne en danger, de ne pas endommager les biens d'autrui, de ne pas entraver la navigation et de ne pas perturber l'environnement. Cette disposition vise à protéger les personnes, les biens, la navigation et l'environnement (Vogel/Hartmann/Schib, n. 31). Le devoir général de diligence est encore concrétisé au niveau de l'ordonnance (cf. art. 5 ONI). L'art. 22 al. 2 LNI prévoit ensuite qu'en cas de danger imminent, le conducteur du bateau doit tout mettre en œuvre pour prévenir les dommages, même s'il doit enfreindre des prescriptions.

[17]

A l'instar de la loi sur la circulation routière (cf. art. 51 al. 2 de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière [ LCR ; RS 741.01]), la loi fédérale sur la navigation intérieure prévoit une obligation générale de sauvetage. Ainsi, lorsque des personnes sont en danger sur un cours d'eau, tout-e conducteur/rice de bateau doit leur porter secours, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé et où son propre bateau n'est pas mis en danger (art. 23 al. 2 LNI). Comme la disposition correspondante du droit de la circulation routière, l'obligation de sauvetage du droit de la navigation vise en premier lieu les accidents, ce qui ressort des autres prescriptions concrétisant l'art. 12 ONI.

[18]

Enfin, les conducteurs/rices de bateaux ou les amateur-e-x-s de sports nautiques ont l'obligation d'annoncer les accidents et les dommages. Selon qu'une personne est blessée ou tuée, qu'un signal ou un signe pour la navigation est endommagé ou qu'il n'y a que des dommages matériels, la police ou la personne lésée doit être informée (art. 24 LNI).

b. Règles de priorité
[19]

L'art. 44 ONI contient une règle générale de priorité lors de la rencontre et du dépassement de bateaux soumis à l'obligation d'identification. Ainsi, les bateaux à voile ont la priorité sur tous les autres bateaux, à l'exception des bateaux prioritaires (c'est-à-dire les bateaux de ligne ou autres bateaux à passagers auxquels l'autorité compétente a accordé la priorité, cf. art. 2 al. 1 let. a ch. 22 ONI), des bateaux de marchandises et des bateaux des pêcheurs professionnels (art. 44 al. 1 let. d ONI). En revanche, les planches à voile (c'est-à-dire les véliplanchistes) et les kitesurfs (c'est-à-dire les kitesurfeurs/euses) n'ont en principe pas la priorité ; ils doivent s'écarter de tous les autres bateaux lorsqu'ils les croisent ou les dépassent (art. 44 al. 2 let. f ONI).

[20]

Les règles de priorité sur les rivières et canaux navigables découlent de l'art. 63 ONI.

c. Responsabilité et obligation d'assurance
[21]

Si une collision entre des bateaux au sens du droit de la navigation intérieure se produit sur une voie d'eau intérieure ou frontalière suisse, la responsabilité du/de la conducteur/rice du bateau est régie par la Convention pour l'unification de certaines règles en matière d'abordage des bateaux de navigation intérieure du 15 mars 1960 (RS 0.747.205), ratifiée par la Suisse le 26 avril 1972 et entrée en vigueur le 25 juillet 1972 (sur l'ensemble, voir Flückiger, p. 122 s.). La convention s'applique également aux engins de sport nautique en tant que petits bateaux (cf. art. 1, ch. 4, let. a de la convention) et prévoit une responsabilité pour faute du/de la conducteur/rice ou de la conductrice du bateau ou du pratiquant de sport nautique en cas d'abordage (cf. art. 2 ch. 1 de la convention). Pour les événements qui ne sont pas des collisions de bateaux, la responsabilité est régie par le code des obligations (FF 1974 I 1554). La Convention de Strasbourg sur la limitation de la responsabilité en matière de navigation intérieure du 4 novembre 1988 (CLNI ; RS 0.747.206) a certes été ratifiée par la Suisse, mais l'application de la Convention à la navigation de plaisance et de sport a été exclue par la Suisse (cf. la réserve selon l'art. 2 de l'arrêté fédéral du 22 mars 1996 concernant la Convention de Strasbourg sur la limitation de la responsabilité en navigation intérieure [RO 1998 998]).

[22]

L'adoption de la loi fédérale sur la navigation intérieure a introduit une obligation générale d'assurance qui était auparavant régulièrement prévue dans les règlements cantonaux de navigation (FF 1974 I 1559). Ainsi, selon l'art. 31 al. 1 LNI, un bateau ne peut pas être mis en circulation avant le dépôt d'une attestation d'assurance responsabilité civile (cf. également art. 153 ONI). Dans le cadre de l'assurance responsabilité civile obligatoire, la personne lésée dispose - comme dans la circulation routière (cf. art. 65 al. 1 LCR) - d'un droit d'action directe contre l'assureur (art. 33 al. 1 LNI). Les bateaux sans propulsion mécanique, les rafts de moins de 2,5 m de long ainsi que les bateaux à voile sans moteur et dont la surface de voile ne dépasse pas 15 m2 sont toutefois exclus de l'obligation d'assurance au niveau de l'ordonnance (cf. art. 153 al. 2 ONI ; concernant l'obligation d'assurance pour les kitesurfeurs/euses, expressément inscrite dans l'ordonnance, voir Schneuwly, p. 545 s.). Certaines prétentions peuvent également être exclues de l'assurance - comme dans le droit de la circulation routière (cf. art. 63 al. 3 LCR) - (cf. art. 32 LNI).

d. Dispositions spécifiques aux sports nautiques
[23]

Outre les dispositions conçues avant tout pour la navigation "au sens strict", le droit fédéral de la navigation intérieure contient également des dispositions spécifiques aux sports nautiques, c'est-à-dire des règles qui s'appliquent explicitement à un ou plusieurs types de sports nautiques. Ainsi, l'art. 25 al. 2 LNI prévoit notamment que le Conseil fédéral peut édicter des prescriptions sur le ski nautique et les activités similaires ainsi que sur la protection des autres usagers des eaux. Les dispositions d'ordonnance édictées sur cette base concernent non seulement le ski nautique, mais aussi le wakesurf, la planche à voile (navigation avec des planches à voile) et le kitesurf (navigation avec des planches à voile pour cerfs-volants ; cf. notamment art. 37, al. 3, art. 54 et art. 69 ONI). Des dispositions isolées concernant la baignade (cf. art. 77 ONI), la plongée (sportive) (cf. art. 32 et art. 77 ONI) et la pêche (cf. art. 76 ONI) se trouvent également au niveau de l'ordonnance.

[24]

Conformément à l'art. 16 al. 2 let. b et d ONI, les bateaux de moins de 2,5 m (let. b) ainsi que les bateaux à pagaie, les bateaux à rames de course, les planches à voile et les kitesurfs (let. d) sont exemptés de l'obligation de marquage au sens de l'art. 15 al. 1 LNI. Même ces bateaux exemptés de l'obligation de marquage doivent toutefois porter de manière bien visible le nom et l'adresse du propriétaire ou du/de la détenteur/rice depuis le 1er janvier 2020 (art. 16 al. 3 ONI).

[25]

Il convient de mentionner spécialement l'art. 134 s. ONI concernant les engins et moyens de sauvetage à emporter. En principe, sur les bateaux et donc sur un grand nombre d'engins de sports nautiques, chaque personne se trouvant à bord doit disposer d'un moyen de sauvetage individuel ou d'une place dans un moyen de sauvetage collectif (art. 134 al. 4 ONI). Sont considérés comme moyens de sauvetage individuels les gilets de sauvetage avec col et les bouées de sauvetage (art. 134 al. 1, 2e phrase, ONI). Sont toutefois exemptés de cette obligation les bateaux à rames (cf. art. 2 let. a ch. 11 ONI) et les engins de sport nautique aptes à la compétition, pour autant qu'ils circulent sur les lacs situés dans les zones riveraines intérieures (0 à 150 m) et extérieures (150 à 300 m) (cf. à ce sujet l'art. 53 al. 1 ONI) (art. 134 al. 4bis ONI). Sont considérés comme engins de sport nautique aptes à la compétition les planches de kite-sailing et de voile, les bateaux à rames de course, les kayaks de compétition, les canoës, les rafts, les planches pour le stand-up paddle et les engins similaires, ainsi que les bateaux à voile qui ne disposent pas d'un espace de rangement suffisant pouvant être fermé de manière étanche aux éclaboussures ou aux intempéries pour emporter des engins de sauvetage au sens de l'art. 134 ONI (art. 134a al. 1 ONI).

[26]

Les prescriptions d'exécution édictées par le Conseil fédéral concernant la pratique des sports nautiques n'ont pas un caractère exhaustif (arrêt du TF du 10 août 2005, 2P.191/2004, consid. 2.3). Au contraire, les cantons disposent de compétences réglementaires déterminantes en ce qui concerne l'exercice des sports nautiques sur les eaux publiques (voir à ce sujet N. 27 ss. ci-après).

C. Droit cantonal de la navigation intérieure

1. Dispositions d'exécution

[27]

En vertu de l'art. 58 al. 1 LNI et de l'art. 165 ONI, selon lesquels les cantons exécutent la loi sur la navigation intérieure, les accords internationaux et les prescriptions d'exécution, dans la mesure où cette tâche n'est pas confiée à la Confédération, les cantons ont, pour la plupart, édicté des prescriptions d'exécution du droit fédéral de la navigation intérieure dans des lois cantonales d'introduction ou des (ordonnances) cantonales sur la navigation.

2. Prescriptions sur les sports nautiques

[28]

L'utilisation des eaux publiques par la navigation n'est en aucun cas réglée de manière exhaustive par le droit fédéral de la navigation intérieure. En particulier dans le domaine de la navigation individuelle non professionnelle (également la navigation à petite échelle), dont fait partie la pratique des sports nautiques, les cantons disposent, en raison de la conception de la loi sur la navigation intérieure comme simple loi-cadre (cf. FF 1974 I 1552), de nombreuses attributions de compétences expresses dans le droit fédéral de la navigation intérieure et notamment en raison du principe de la souveraineté cantonale sur les eaux, de compétences législatives déterminantes qui vont au-delà de la simple exécution. Dans ce contexte, le droit cantonal de la navigation contient non seulement des dispositions d'exécution, mais aussi - en particulier pour la petite navigation et donc les sports nautiques - une multitude de prescriptions autonomes.

[29]

Les dispositions relatives aux sports nautiques sont édictées par les cantons en premier lieu sur la base de l'art. 3 al. 2 LNI et de l'art. 25 al. 3 LNI. Selon l'art. 3 al. 2 LNI, les cantons peuvent interdire ou restreindre la navigation sur leurs eaux ou limiter le nombre de bateaux admis sur une eau, dans la mesure où l'intérêt public ou la protection de biens juridiques importants l'exigent. La réglementation de la petite navigation est ainsi réservée aux cantons par le droit fédéral (cf. Biaggini, Komm. BV, art. 87 n. 12 ; SG Komm. BV-Lendi/Uhlmann, art. 87 n. 38). Selon l'art. 25 al. 3 LNI, il appartient ensuite aux cantons d'édicter des prescriptions locales particulières afin de garantir la sécurité de la navigation ou la protection de l'environnement. Cette attribution de compétence est également très pertinente pour les sports nautiques, d'autant plus que les restrictions aux sports nautiques sont généralement imposées pour des raisons de police de la navigation ou de protection de l'environnement.

[30]

Par conséquent, tant la législation sur la petite navigation que l'édiction de prescriptions de police de la navigation et de protection de l'environnement relèvent en principe de la compétence des cantons - sous réserve des prescriptions de police de la Confédération. En fin de compte, les dispositions déterminantes pour la pratique des sports nautiques sur les eaux publiques se trouvent donc principalement dans le droit cantonal. L'édiction de prescriptions de police de la navigation et d'autres restrictions à la navigation est régulièrement déléguée par le législateur cantonal au pouvoir réglementaire cantonal (cf. p. ex. § 4 Einführungsgesetz des Kantons Zürich zum Bundesgesetz über die Binnenschifffahrt du 2 septembre 1979 [LS 747.1]). Ainsi la Schifffahrtsverordnung des Kantons Zürich du 7 mai 1980 (LS 747.11) règle l'admissibilité du kitesurf sur le lac de Zurich (§ 27a) et interdit la pratique du ski nautique, du kitesurf et d'engins similaires sur les autres eaux stagnantes et courantes du canton de Zurich (§ 29).

D. Accords intercantonaux et internationaux

1. Généralités

[31]

Les eaux publiques qui se prêtent à la pratique des sports nautiques ont en général une certaine taille et dépassent donc régulièrement les frontières cantonales et/ou nationales. De nombreux plans d'eau présentant un intérêt pour les sports nautiques sont par conséquent des plans d'eau intercantonaux ou internationaux.

[32]

En règle générale, les cantons riverains de réserves d'eau intercantonales doivent s'entendre sur les aspects relevant de leur compétence réglementaire au moyen de conventions et d'accords intercantonaux (SG Komm. BV-Marti, art. 76 n. 30). Ce n'est que si aucun accord n'est trouvé par cette voie que la compétence est transférée à la Confédération (art. 76 al. 5, 2ème phrase Cst.).

[33]

Conformément à sa compétence en matière de politique extérieure (cf. art. 54 Cst.), c'est la Confédération qui décide des droits sur les réserves d'eau internationales et des tâches qui y sont liées, avec le concours des cantons concernés (art. 76 al. 5, 1ère phrase Cst.). En particulier, la conclusion des traités internationaux nécessaires est du ressort de la Confédération pour les eaux internationales (SG Komm. BV-Marti, art. 76 n. 29 ; Vogel/Hartmann/Schib, n. 3).

2. Sports nautiques sur les eaux intercantonales

[34]

La loi sur la navigation intérieure et les dispositions d'exécution du Conseil fédéral régissent la navigation sur les eaux suisses (art. 1 al. 1 LNI ; art. 1 al. 1 ONI). Lors de la pratique de sports nautiques sur les eaux intercantonales, les prescriptions pertinentes de la législation fédérale sur la navigation intérieure doivent par conséquent être respectées.

[35]

Les cantons riverains des eaux intercantonales doivent se mettre d'accord sur les dispositions d'exécution du droit fédéral de la navigation intérieure et sur les autres dispositions du droit de la navigation par la voie du concordat ; ce n'est que s'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord que le Conseil fédéral décide (art. 4 al. 1 LNI ; cf. aussi art. 76 al. 5, 2ème phrase Cst.). Des dispositions relatives à la pratique des sports nautiques sur les eaux intercantonales peuvent donc également figurer dans les conventions intercantonales de navigation : l'art. 9 Interkantonalen Vereinbarung über die Schifffahrt auf dem Zürichsee und dem Walensee du 4 octobre 1979 entre les cantons de Zurich, Schwyz, Glaris et Saint-Gall concernant la navigation sur les lacs de Zurich et de Walenstadt règle ainsi l'utilisation des planches à voile.

[36]

Dans certains cas, le droit intercantonal renvoie aussi expressément au droit cantonal - comme à l'art. 25 al. 3 LNI - pour les dispositions relatives à la police de la navigation et à la protection de l'environnement. Ainsi, selon l'art. 14 de la Convention intercantonale sur la navigation dans les lacs de Zurich et de Walenstadt, les cantons riverains peuvent en outre édicter des prescriptions locales particulières pour garantir la sécurité de la navigation et la protection de l'environnement.

[37]

Si la convention intercantonale ne contient ni dispositions relatives aux sports nautiques ni renvoi au droit des cantons riverains, il ne faut pas partir du principe que les cantons riverains ne se sont pas mis d'accord (cf. art. 4 al. 1 LNI). Au contraire, en l'absence de prescriptions, il appartient aux cantons riverains d'édicter, dans le cadre du droit fédéral et intercantonal, des dispositions relatives à la pratique des sports nautiques pour les parties du cours d'eau intercantonal qui relèvent de leur souveraineté. On peut citer à titre d'exemple Interkantonale Vereinbarung über die Schifffahrt auf dem Vierwaldstättersee du 20 juillet 1997 entre les cantons de Lucerne, Uri, Schwyz, Obwald et Nidwald. En l'absence de dispositions relatives à la pratique des sports nautiques sur le lac des Quatre-Cantons dans cette convention, le canton riverain de Lucerne a réglementé dans son droit cantonal la pratique du windsurf et du kitesurf sur les parties du lac des Quatre-Cantons relevant de sa souveraineté (cf. § 25 de l'ordonnance sur la navigation du canton de Lucerne du 18 février 2011 [SRL 787]). Le canton d'Uri a également édicté ses propres dispositions relatives aux sports nautiques (cf. art. 10a s. Ordonnance d'exécution cantonale du canton d'Uri relative à la loi fédérale sur la navigation intérieure du 11 novembre 1981 [RB 50.2111] concernant le cerf-volant et les écoles de sports nautiques sur la partie uranaise du lac des Quatre-Cantons).

[38]

En résumé, les dispositions pertinentes pour la pratique des sports nautiques sur les eaux intercantonales se trouvent plutôt dans le droit cantonal de la navigation que dans le droit intercantonal.

3. Sports nautiques dans les eaux internationales

[39]

Le lac de Constance, le lac Léman, le lac Majeur et le lac de Lugano sont les quatre lacs internationaux de Suisse qui présentent un intérêt particulier pour de nombreux amateur-e-x-s de sports nautiques en raison de leur taille. En raison de leur caractère international, la navigation - et donc aussi la pratique des sports nautiques - est en principe régie par des conventions internationales conclues par le Conseil fédéral - après consultation des cantons riverains - avec les autres États riverains respectifs (cf. art. 4 al. 2 LNI) et qui priment sur le droit suisse de la navigation contraire (cf. art. 1 al. 2 LNI).

[40]

Ci-après, nous donnons un aperçu du droit international pertinent pour chacun des quatre lacs internationaux de la Suisse. Les règlements édictés sur la base des accords internationaux concernant la navigation sur les quatre eaux frontalières s'inspirent tous du Règlement européen des voies navigables intérieures (CEVNI pour Code Européen des Voies de la Navigation Intérieure ; Vogel/Hartmann/Schib, n. 46, 51, 57).

[41]

Il convient toutefois de souligner dès à présent que tous les accords mentionnés ci-après laissent aux États contractants la liberté d'édicter des prescriptions particulières en raison des conditions locales ou pour protéger l'environnement. Lors de la recherche de prescriptions relatives aux sports nautiques sur les lacs internationaux, il faut donc toujours consulter, outre le droit international, le droit national des États riverains. Il convient de signaler ici qu'en plus des traités qui se réfèrent à des eaux déterminées, d'autres conventions internationales, comme par exemple la Convention pour l'unification de certaines règles en matière de collision de bateaux de navigation intérieure (voir à ce sujet ch. 21 ci-dessus), s'appliquent selon les circonstances.

a. Lac de Constance
[42]

Deux accords internationaux différents ont été conclus entre les États riverains concernant la navigation sur le lac de Constance : La Convention entre l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse concernant la navigation sur le lac de Constance du 1er juin 1973 (RS 0.747.223.11) régit la navigation sur le lac de Constance pour le secteur du lac supérieur, y compris le lac d'Überlingen (art. 1 ch. 1 de la Convention). La navigation sur le lac Inférieur (ainsi que sur les tronçons du Rhin entre Constance et Schaffhouse) est en revanche réglée par la Convention entre la Suisse et l'Allemagne concernant la navigation sur le lac Inférieur et sur le Rhin entre Constance et Schaffhouse du 1er juin 1973 (RS 0.747.224.31). La convention et le traité international ne contiennent toutefois que des règles de principe. Les règles de navigation proprement dites découlent du règlement de la navigation sur le lac de Constance du 17 mars 1976 (RNC ; RS 747.223.1). Ce règlement a été édicté par la Commission internationale de la navigation sur le lac de Constance, un organe commun aux trois Etats riverains (cf. art. 19 de la Convention relative à la navigation sur le lac de Constance), et s'applique à la navigation tant sur le lac supérieur que sur le lac inférieur (cf. art. 6 de l'Accord entre la Suisse et l'Allemagne concernant la navigation sur le lac inférieur).

[43]

Conformément à l'art. 16.02 al. 5 RNC, la pratique de la planche à voile et du kitesurf est en principe interdite sur le lac de Constance. L'autorité compétente peut toutefois prévoir des exceptions à cette interdiction de principe si la sécurité et la facilité de la circulation n'en sont pas affectées et s'il n'y a pas lieu de craindre des dangers ou des inconvénients pouvant être causés par la navigation (art. 16.02 al. 5 en relation avec l'al. 1 RNC). Par conséquent, la RNC est plus stricte que l'ONI, qui autorise en principe la pratique du windsurf et du kitesurf sur les eaux publiques (cf. art. 54 al. 1 ONI). Comme, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit international prime en principe sur le droit national en cas de conflit (ATF 136 III 168 consid. 3.3.2), il faut également partir du principe que la réglementation plus stricte de la RNC prime sur celle de l'ONI dans ce cas.

[44]

En outre, la RNC ne contient que peu de prescriptions pertinentes pour les sports nautiques (cf. en particulier l'art. 2.01 RNC concernant le marquage, l'art. 6.15 RNC concernant le ski nautique ainsi que l'art. 13.20 RNC concernant les moyens de sauvetage). Les réglementations des Etats riverains ou, en Suisse, des cantons riverains, qu'ils peuvent édicter en tenant compte des conditions locales, mais dans le respect des principes des traités internationaux, sont donc importantes (cf. art. 5 al. 5 de la Convention relative à la navigation sur le lac de Constance).

b. Lac Léman
[45]

Les prescriptions relatives à la navigation sur le lac Léman découlent pour l'essentiel de la Convention entre la Suisse et la France concernant la navigation sur le lac Léman du 7 décembre 1976 (RS 0.747.221.1) ainsi que du Règlement relatif à la navigation sur le lac Léman du 7 décembre 1976 (RS 0.747.221.11) qui en fait partie. A la différence du BSO, le règlement de la navigation sur le lac Léman contient, outre le devoir de diligence (art. 4) et de sauvetage (art. 11) et les dispositions relatives au marquage (art. 18 s.), de nombreuses dispositions spécifiques aux sports nautiques. Ainsi, par exemple, sur la pratique du ski nautique, du wakeboard, du wakeskate ou d'engins similaires et du ski nautique pieds nus (art. 76), mais aussi sur le comportement des pêcheurs et des plongeurs/euses (art. 77 s.), celles relatives à la planche à voile (art. 78), à la baignade (art. 78b) et enfin à la pratique du kitesurf (art. 78c). Dans ce contexte, les cantons riverains du lac Léman n'ont que peu de marge de manœuvre pour des réglementations cantonales.

c. Lacs Majeur et de Lugano
[46]

La navigation sur les lacs Majeur et de Lugano est régie par la Convention entre la Suisse et l'Italie concernant la navigation sur les lacs Majeur et de Lugano du 2 décembre 1992 (RS 0.747.225.1) ainsi que par le Règlement international sur la navigation sur les lacs Majeur et de Lugano édicté sur cette base. L'accord s'inspire fortement de celui conclu avec la France concernant la navigation sur le lac Léman (Vogel/Hartmann/Schib, n. 57) et le règlement international correspond en grande partie à l'ordonnance fédérale sur la navigation intérieure - en raison de son orientation sur le règlement européen relatif aux voies de navigation intérieure.

II. Usage commun des eaux publiques

A. Remarques préliminaires

[47]

Les eaux publiques sont à la disposition du public, sous réserve d'une autre preuve d'utilisation. Elles font partie des choses publiques dans l'usage commun (SG Komm. BV-Marti, art. 76 n. 27 ; Jaag/Rüssli, n. 3416, 3420). Cette attribution des eaux publiques est expressément prévue dans de nombreux ordres juridiques cantonaux (cf. p. ex. art. 7 al. 1 Wassernutzungsgesetz des Kantons Bern du 23 novembre 1997 [WNG/BE ; BSG 752.41] ; § 9 al. 1 Wasserrechtsgesetz des Kantons Schwyz du 11 septembre 1973 [KWRG/SZ ; SRSZ 451.100] ; § 35 al. 1 Gesetz über die Gewässer des Kantons Zug du 25 novembre 1999 [GewG/ZG ; BGS 731.1]), est présumée de par le droit fédéral (cf. art. 664 al. 3 CC) et est due à la nature naturelle des eaux (Häfelin/Müller/Uhlmann, N. 2228 ; Jaag, p. 147 ; BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 178).

[48]

En tant que détenteurs de la souveraineté sur les eaux, les cantons doivent établir les dispositions nécessaires sur l'usage commun des eaux publiques (cf. art. 664 al. 3 CC). Ils font généralement la distinction entre les trois types d'usage développés dans la doctrine du droit administratif, à savoir l'usage commun pur et simple (également ordinaire ou simple), l'usage commun accru et l'usage spécial (cf. p. ex. art. 7 ss. WNG/BE ; § 9 ss. WRG/SZ ; voir aussi OFK ZGB-Kernen, art. 664 n. 14 ss ; Rüegger, p. 16 ; arrêt du Tribunal fédéral du 2 juin 2012, 2C_900/2011 E. 2.1 avec d'autres références). La distinction entre ces types d'utilisation se base sur l'intensité et le type d'utilisation (Jaag, p. 151) et a été largement concrétisée par la jurisprudence et la doctrine.

[49]

Le droit cantonal relatif à l'usage commun des eaux publiques se réfère régulièrement aux types d'usage commun, mais laisse aux organes chargés d'appliquer le droit le soin de les concrétiser. Dans ce contexte, les principes généraux développés par la doctrine et la jurisprudence en matière de droit administratif concernant les trois types d'usage commun sont tout d'abord présentés de manière générale, puis mis en relation avec la pratique des sports nautiques sur les eaux publiques.

B. Les sports nautiques en tant que simple usage commun

1. Généralités

[50]

Par usage commun simple, on entend l'utilisation d'une chose publique conforme à sa destination et compatible avec la collectivité, ouverte à tous, c'est-à-dire à un nombre indéterminé d'usagers, sans taxe et sans qu'une autorisation soit nécessaire (ATF 135 I 302 consid. 3.2). L'admissibilité de l'usage commun pur et simple des eaux publiques est présumée par le droit fédéral (cf. art. 664 al. 3 CC) et est prévue dans de nombreux ordres juridiques cantonaux (voir n. 47 supra). Les eaux publiques peuvent donc - même en l'absence d'une règle de droit autorisant l'usage commun - être utilisées par tout un chacun d'une manière conforme à leur destination et compatible avec l'intérêt général (BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 36). La conformité de l'usage s'apprécie en fonction des caractéristiques naturelles du cours d'eau, c'est-à-dire de sa taille, de sa profondeur, de sa situation, etc. L'utilisation des eaux publiques est compatible avec la collectivité lorsqu'elle peut être exercée de la même manière par tous les intéressés sans que d'autres soient entravés de manière excessive dans l'utilisation correspondante (p. ex. ATF 135 I 302 consid. 3.2). La compatibilité avec le public dépend des conditions locales concrètes, doit souvent être évaluée au cas par cas et peut faire défaut pour des raisons spatiales et / ou temporelles (Flückiger, p. 5 s. ; Jaag, p. 152). Pour qu'une utilisation soit compatible avec l'intérêt général, il n'est toutefois pas nécessaire que tous les utilisateurs/rices potentiels puissent utiliser l'eau publique en même temps et sans être dérangés ; ce sont plutôt les conditions "habituelles" qui sont déterminantes (Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2257 ; cf. aussi ATF 88 I 18 consid. 8). Un contrôle préventif du simple usage commun par l'introduction d'une obligation d'autorisation n'est pas nécessaire si l'utilisation est compatible avec le public et n'est donc pas admissible (Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2260 ; cf. aussi ATF 135 I 302 consid. 4.1). De même, aucune taxe ne peut en principe être perçue pour le simple usage commun (Flückiger, p. 3 avec d'autres références ; Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2261).

[51]

La doctrine et la pratique sont unanimes à classer dans l'usage commun pur et simple des eaux publiques la natation et la baignade, mais aussi la navigation ordinaire, non professionnelle, sur les eaux publiques avec des bateaux, des barques ou des planches à voile (arrêt du TF du 10 août 2005, 2P.191 /2004, consid. 2.4.1 ; ATF 100 Ia 131 consid. 5 ; ATF 88 I 18 consid. 6 ; cf. aussi l'arrêt du VGer/BE du 23 février 1998, VGE20228, consid. 5 ; Flückiger, p. 59 avec d'autres références ; Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2269 ; Jaag/Rüssli, n. 3420 ; Karlen, p. 362 ; Märki/Wyss, n. 8 ; BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 178 ; Rentsch, p. 358 ; BSK ZGB II-Rey/Strebel, art. 664 n. 58).

2. Principe de la liberté de navigation et de sport nautique

[52]

L'appréciation de la navigation ordinaire en tant que simple usage commun, effectuée depuis toujours par la doctrine et la jurisprudence, a été ancrée dans la loi lors de l'adoption de la loi sur la navigation intérieure. Ainsi, la navigation sur les eaux publiques est en principe libre selon l'art. 2 al. 1 LNI et gratuite selon l'art. 62 al. 2 LNI. Ce principe dit de la liberté de navigation garantit ainsi la libre utilisation fondamentale des eaux publiques par les bateaux (cf. art. 2 al. 1 ONI) dans le cadre du simple usage commun et s'applique aussi bien aux eaux publiques stagnantes qu'aux eaux courantes, indépendamment de leur taille (Flückiger, p. 74, 101 ; Vogel/Hartmann/Schib, n. 11 ; pour le caractère public des eaux, voir n. 6 s. ci-dessus).

[53]

La pratique des sports nautiques étant considérée comme de la (petite) navigation (cf. art. 2 al. 1 ONI), celle-ci est également accessible à tout un chacun, gratuitement et sans autorisation, pour autant qu'elle soit pratiquée de manière compatible avec la collectivité et dans le respect de la nature des eaux (cf. Flückiger, p. 59 m.H.). En l'occurrence, la pratique individuelle et non professionnelle de sports nautiques devrait être toujours compatible avec la collectivité et, en règle générale, conforme à sa destination - comme la navigation ordinaire.

[54]

La liberté de navigation et, dans cette mesure, la liberté de pratiquer des sports nautiques ne s'appliquent pas seulement aux eaux intérieures, mais aussi au lac de Constance (cf. art. 2 al. 1 de la Convention relative à la navigation sur le lac de Constance ; art. 2 de la Convention entre la Suisse et l'Allemagne concernant la navigation sur le lac Inférieur et le Rhin entre Constance et Schaffhouse), au lac Majeur et au lac de Lugano (cf. art. 1 al. 1 de la Convention relative à la navigation sur le lac Majeur et le lac de Lugano). Pour le lac Léman, la liberté fondamentale de navigation découle de l'art. 7, ch. 4 et 5 de l'accord concernant la navigation sur le lac Léman, selon lequel les mesures qui limitent ou interdisent la navigation doivent être levées dès que possible et les restrictions permanentes de la navigation doivent être décidées conjointement par les États contractants après consultation de la commission mixte.

[55]

En conclusion, la pratique individuelle et non commerciale des sports nautiques est - tout comme la navigation ordinaire - une utilisation des eaux qui relève du simple usage commun et qui est permise à chacun gratuitement et sans autorisation. Cela vaut aussi bien pour les eaux intérieures que pour les eaux frontalières.

3. Restriction du simple usage commun

a. En général
[56]

Selon la doctrine dominante, l'attribution des eaux publiques aux choses publiques dans l'usage commun et l'admissibilité de principe de l'usage commun pur et simple qui en résulte ne fonde pas pour le particulier un droit d'utilisation non limité et exécutable (à ce sujet et pour ce qui suit, BK CC-Meier-Hayoz, art. 664 n. 165 s. avec d'autres références ; Rentsch, p. 358 s. ; cf. aussi Flückiger, p. 29 avec d'autres références ; Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2259). Au contraire, le simple usage commun des eaux publiques peut être limité à certaines conditions. Selon le Tribunal fédéral, les riverains de cours d'eau n'ont pas non plus de droit à une utilisation déterminée du cours d'eau public à l'endroit où leur bien-fonds est touché (à ce sujet et sur ce qui suit, ATF 105 Ia 219 consid. 2). Selon le Tribunal fédéral, l'embouchure d'un cours d'eau ne constitue qu'un état de fait favorable au propriétaire, qui peut être modifié dans l'intérêt public et qui ne confère pas au riverain un droit d'utilisation des eaux protégé par la garantie de la propriété.

[57]

En cas de restrictions de l'usage commun, les autorités sont d'abord liées par la Constitution (à ce sujet et pour la suite, Flückiger, p. 32). Ainsi, les restrictions doivent être d'intérêt public, c'est-à-dire qu'elles doivent être prises par exemple pour protéger l'ordre public, la tranquillité, la sécurité, la moralité, la santé ou pour des raisons de protection de l'environnement ou de la nature. En outre, elles doivent être proportionnées, c'est-à-dire appropriées, nécessaires et adéquates (art. 5, al. 2, Cst.), conformes au principe de l'égalité des droits (art. 8, al. 1, Cst.) et non arbitraires (art. 9, al. 1, Cst.) (sur l'ensemble, ATF 88 I 18, cons. 7 ; BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 28 s. ; Vogel/Hartmann/Schib, n. 18, 20 avec renvois). Pour les cantons, des limites peuvent également résulter de certains actes législatifs fédéraux en cas de restrictions (voir également à ce sujet n. 63 ss. ci-après).

[58]

Les mesures limitant l'usage commun peuvent être prises de manière générale et abstraite (p. ex. par l'édiction d'un règlement d'utilisation), au moyen de décisions générales ou par voie de décisions dans des cas particuliers (BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 171 s.). En outre, des restrictions de l'usage commun peuvent résulter de régales accordées à des particuliers ou de droits d'usage spéciaux qui, en tant que droits d'usage exclusifs (voir à ce sujet n. 79 ss. ci-après), doivent être respectés par le public qui exerce l'usage commun (BK ZGB-Meier-Hayoz, Art. 664 n. 30).

b. Restriction de la navigation et des sports nautiques
[59]

La navigation ordinaire et la pratique des sports nautiques sont considérées comme un simple usage commun, raison pour laquelle les restrictions y afférentes doivent d'abord être mesurées à l'aune de la Constitution (voir ci-dessus n. 57). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les droits fondamentaux, notamment le droit à la liberté personnelle et en l'occurrence l'aspect de la liberté de mouvement (art. 10 al. 2 Cst.), ne sont cependant pas touchés en cas de restrictions des sports nautiques, du moins tant qu'il s'agit d'interdictions de naviguer à petite échelle (ATF 108 Ia 59 E. 4a ; voir aussi Flückiger, p. 33 s.). Dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral a également considéré que l'utilisation des eaux publiques à des fins sportives ne constituait pas une manifestation élémentaire de l'épanouissement de la personnalité, ce qui serait toutefois jugé différemment aujourd'hui - environ 40 ans plus tard. En fin de compte, l'appréciation de la conformité avec les droits fondamentaux doit se faire au cas par cas, en fonction de l'intensité de la mesure (ATF 108 Ia 59 consid. 4a).

[60]

Le fait que la liberté de navigation ne soit pas absolue et que des restrictions soient admises dans certaines conditions découle également de l'art. 2 al. 1 LNI, selon lequel la navigation sur les eaux publiques est libre "dans les limites de la présente loi". La liberté de navigation intérieure et, par conséquent, la liberté de pratiquer individuellement et sans but lucratif des sports nautiques sur les eaux publiques ne s'appliquent donc expressément que sous réserve de dispositions restrictives dans le droit fédéral de la navigation intérieure.

[61]

En outre, l'art. 3 al. 2 et l'art. 25 al. 3 LNI habilitent légalement les cantons à interdire ou à restreindre la navigation et l'exercice des sports nautiques sur leurs eaux, dans la mesure où l'intérêt public, la protection de biens juridiques importants, la sécurité de la navigation ou la protection de l'environnement l'exigent. La liberté de navigation intérieure est donc soumise non seulement à des prescriptions fédérales restrictives, mais aussi à des prescriptions cantonales.

[62]

Enfin, les conventions internationales relatives à la navigation sur les eaux frontalières placent elles aussi expressément le principe de la liberté de navigation sous réserve de dispositions restrictives dans le droit d'exécution (cf. art. 2 al. 1 Convention relative à la navigation sur le lac de Constance ; art. 1, al. 1, Convention relative à la navigation sur le lac Majeur et le lac de Lugano).

c. Restrictions de droit fédéral aux sports nautiques
[63]

La loi sur la navigation intérieure elle-même ne contient que peu de restrictions concrètes de la navigation et des sports nautiques (Flückiger, p. 75 s.). Au lieu de cela, le Conseil fédéral est habilité à plusieurs endroits à édicter des restrictions.

[64]

Ainsi, selon l'art. 25 al. 1 LNI, le Conseil fédéral établit des règles pour la navigation et le stationnement des bateaux et il édicte des prescriptions sur la signalisation, les signaux et les feux, le transport de marchandises dangereuses et la sécurité de la navigation. Sur la base de ces dispositions, le Conseil fédéral a édicté les prescriptions générales de police de la navigation conformément aux art. 41 et suivants de la loi sur la navigation. ONI, qui sont adaptées au Règlement européen sur les voies navigables intérieures (CEVNI) (Vogel/Hartmann/Schib, n. 34), mais qui ne limitent pas spécifiquement un type de sport nautique particulier, voire ne l'interdisent pas complètement.

[65]

En outre, selon l'art. 25 al. 2 LNI, le Conseil fédéral peut édicter des prescriptions sur le ski nautique et les activités similaires ainsi que sur la protection des autres utilisateurs/rices des eaux (art. 25 al. 2 LNI). En application de cette disposition, le Conseil fédéral a fixé à l'art. 54 al. 1 ONI que le wakesurf ainsi que la pratique du ski nautique, de la planche à voile, du kitesurf, des engins gonflables remorqués ou d'engins similaires ne sont autorisés que de jour et par temps clair, mais au plus tôt à partir de 08h00 et au plus tard jusqu'à 21h00. Conformément à l'art. 54 al. 2 ONI, le wakesurf ainsi que la pratique du ski nautique ou d'engins similaires sont interdits dans les zones riveraines en dehors des couloirs de départ autorisés par les autorités et des plans d'eau signalés servant exclusivement à cet usage. L'art. 54 al. 3-5 ONI contient d'autres prescriptions relatives à la pratique du ski nautique. L'interdiction générale du kitesurf édictée en 2001 (cf. art. 54 al. 2bis aOBS) a en revanche été levée le 15 février 2016 (RO 2014 261 ; voir aussi à ce sujet Schneuwly, p. 540 s.).

[66]

Enfin, des restrictions aux sports nautiques peuvent être justifiées par la protection de l'environnement. Ainsi, l'art. 11 ONI interdit de produire plus d'immissions qu'il n'est inévitable lorsque le bateau est en bon état et exploité correctement, et l'art. 53 ONI réglemente la navigation dans la zone riveraine dans l'intérêt de la protection de la nature et de l'environnement (voir Flückiger, p. 104 s.). Des dispositions restrictives peuvent ensuite être contenues dans des actes législatifs fédéraux relatifs à la protection de l'environnement. Ainsi, l'art. 21 de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (RS 451) régit la protection de la végétation des rives et interdit les activités contraires à cette protection dans la zone riveraine. Conformément à l'art. 5 al. 1 let. g de l'ordonnance du 21 janvier 1991 sur les réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs d'importance internationale et nationale (RS 922.32), la pratique du kitesurf ou d'engins similaires est interdite dans les réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs définies à l'annexe 1 de l'ordonnance.

d. Restrictions de droit cantonal concernant les sports nautiques
[67]

L'art. 3 al. 2 et l'art. 25 al. 3 LNI confèrent aux cantons le pouvoir de restreindre ou d'interdire la navigation et, dans cette mesure, la pratique des sports nautiques sur les eaux publiques de leur territoire national lorsque certaines conditions sont remplies. Selon le Tribunal fédéral, les cantons ont le droit de limiter plus largement que le droit fédéral l'usage commun des eaux publiques sur leur territoire en matière de navigation (arrêt du TF du 10 août 2005, 2P.191/2004, consid. 2.3). Dans ce sens, le droit cantonal interdit totalement la pratique de certains sports nautiques sur certaines eaux (cf. p. ex. § 6 al. 1 Einführungsgesetzes des Kantons Aargau zum Bundesgesetz über die Binnenschifffahrt ; § 4 Vollziehungsverordnung des Kantons Basel Stadt zum Bundesgesetz über die Binnenschifffahrt du 26 août 2008 [SG 955.100]) ou plus largement que dans le droit fédéral (cf. p. ex. Verordnung über das Wakeboarden und andere vergleichbare Wassersportarten auf dem Zuger- und dem Ägerisee du 29 juin 2004 [BGS 753.6] ; § 3 Vollziehungsverordnung des Kantons Basel Stadt zum Bundesgesetz über die Binnenschifffahrt). Des restrictions peuvent également résulter d'actes législatifs cantonaux relevant du droit de l'environnement (cf. § 3 Verordnung des Kantons Schwyz zum Schutze der Gebiete Sägel und Schutt sowie des Lauerzersees du 16 décembre 1986 [SRSZ 722.211]).

[68]

Dans le même temps, l'art. 3 al. 2 LNI impose toutefois des limites aux cantons en matière de restriction de la navigation ordinaire (ATF 119 Ia 197 consid. 3a). Ainsi, les restrictions doivent notamment être justifiées par un intérêt public ou être nécessaires à la protection de biens juridiques importants, de la navigation ou de l'environnement (Flückiger, p. 81 ss.). Les cantons ne peuvent donc pas restreindre la navigation et les sports nautiques comme bon leur semble, mais doivent tenir compte du principe de la liberté de navigation et de sports nautiques. Ils doivent procéder à une pesée des différents intérêts publics en jeu (à ce sujet et sur ce qui suit, ATF 119 Ia 197 consid. 3c). Il convient de trouver un juste équilibre entre, d'une part, le besoin, protégé par le droit fédéral en vertu de l'art. 2 al. 1 LNI, d'une autorisation aussi illimitée que possible de la navigation (et des sports nautiques) sur les eaux publiques et, d'autre part, les intérêts contraires de la protection de la nature et d'autres formes d'usage commun ou d'utilisation des eaux éventuellement en conflit. Outre les intérêts de la protection de la nature, la pesée des intérêts à effectuer dans le cadre de l'art. 3 al. 2 LNI doit également prendre en compte l'intérêt public à une pratique aussi libre que possible des sports nautiques à des fins de détente et d'exercice physique (ATF 119 Ia 197 consid. 7c/cc). Les inconvénients normaux que la navigation ou la pratique de sports nautiques entraîne habituellement, même sur un plan d'eau en soi approprié, ne peuvent justifier à eux seuls une interdiction (ATF 119 Ia 197 consid. 4). Au contraire, le canton doit pouvoir s'appuyer sur des motifs particuliers, en général liés à la nature et à l'affectation des eaux, pour restreindre la navigation (ATF 119 Ia 197 consid. 4a). En outre, il va de soi que les cantons sont également tenus de respecter la Constitution et, dans le présent contexte, en particulier le principe de l'égalité de droit, lorsqu'ils édictent des restrictions à la liberté de navigation (Flückiger, p. 99 ; voir à ce sujet n. 57 ci-dessus).

[69]

Si un canton édicte des dispositions légales sur l'utilisation de ses eaux qui ne correspondent pas aux prescriptions du droit fédéral, il enfreint ainsi la force dérogatoire du droit fédéral (ATF 119 Ia 197 consid. 3b). Mais comme le législateur cantonal dispose d'une marge de manœuvre considérable lors de la pesée des intérêts et qu'il s'agit régulièrement d'apprécier les conditions locales, le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue dans l'appréciation des restrictions à la navigation (ATF 119 Ia 197 consid. 3c). Une interdiction générale de naviguer vidant de sa substance la liberté de navigation serait toutefois inadmissible d'emblée (ATF 119 Ia 197 consid. 5).

C. Usage commun accru et usage spécial

1. Usage commun accru

a. Généralités
[70]

Selon les principes généraux, il y a usage commun accru lorsque l'utilisation d'une chose publique ou d'une eau publique n'est pas conforme à sa destination ou n'est pas compatible avec la collectivité (p. ex. arrêt du TF du 10 août 2005, 2P.191/2004, consid. 2.4.1 avec d'autres références ; Rentsch, p. 359). En d'autres termes, l'eau publique est utilisée différemment de ce qui résulte de ses caractéristiques naturelles ou elle est utilisée de telle manière qu'il en résulte un préjudice important pour les autres ayants droit à l'usage commun. La question de savoir si cela est le cas dépend des conditions locales et temporelles concrètes (à ce sujet et pour la suite, voir Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2278). Dans les limites de la garantie fédérale de l'usage commun (cf. dans le présent contexte notamment l'art. 2 al. 1 LNI), il appartient en principe aux cantons de déterminer la limite entre l'usage commun pur et simple et l'usage commun accru (BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 181). Selon les principes développés dans la doctrine et la pratique du droit administratif, la limite de l'usage commun n'est toutefois généralement dépassée que lorsque l'usage commun similaire par d'autres ne peut plus être garanti, même dans le cadre d'un règlement d'utilisation général. En revanche, il faut toujours partir du principe qu'il y a usage commun accru lorsque l'utilisation particulièrement intensive n'empêche certes pas l'usage général, mais qu'elle perturbe une utilisation à laquelle d'autres ayants droit ont droit en tant qu'usage commun accru ou usage spécial (Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2283 ; Rentsch, p. 361). A titre d'exemple, on peut citer les compétitions d'aviron qui, selon le Tribunal fédéral, perturbent la pêche dans la Limmat, autorisée en tant qu'usage spécial, et qui ont donc été qualifiées d'usage commun accru (ATF 88 I 18 consid. 7).

[71]

L'organisation de manifestations nautiques telles que les régates de voile et d'aviron, les compétitions de canoë et de natation sur les eaux publiques est également considérée comme relevant d'un usage commun accru (arrêt du TF du 10 août 2005, 2P.191/2004, consid. 2.4.1 ; Flückiger, p. 61). L'obligation d'obtenir une autorisation pour leur exécution est d'ailleurs expressément prévue par le droit fédéral de la navigation intérieure (art. 27 LNI et art. 72 ONI). En outre, la jurisprudence a considéré l'ancrage de bouées et de radeaux et (en partie) le stationnement de bateaux comme un usage commun accru (arrêt du TF du 10 août 2005, 2P.191/2004, consid. 2.4.1 ; arrêt du TA/BE du 22 janvier 1996, VGE19532/19533, consid. 4, in : BVR 1996 p. 528 ; cf. cependant ATF 95 I 243 consid. 3, où le stationnement de bateaux a été jugé comme un usage spécial). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les sports nautiques sont considérés en soi comme un usage commun accru lorsqu'ils sont pratiqués avec de lourds bateaux à moteur et la production de vagues correspondante (à ce sujet et sur la suite de l'arrêt du TF du 10 août 2005, 2P.191/2004, consid. 2.4.2). D'autres circonstances telles que le nombre de tels bateaux sur le plan d'eau ou la taille du plan d'eau n'entrent pas en ligne de compte. Enfin, la pratique de sports nautiques à titre professionnel ou au sein d'associations ou de collectivités similaires à des associations est parfois considérée comme un usage commun accru (cf. § 3 Verordnung über das Wakeboarden und andere vergleichbare Wassersportarten auf dem Zuger- und dem Ägerisee).

[72]

En fin de compte, l'attribution d'un sport nautique à l'usage commun pur et simple ou à l'usage commun accru - en l'absence d'une réglementation explicite - doit se faire sur la base d'une appréciation au cas par cas, en tenant compte des conditions locales et temporelles concrètes (taille du plan d'eau, niveau d'eau, autre utilisation du plan d'eau, saison, etc.) ainsi que du type et de l'ampleur de l'utilisation (manifestation, individuelle, professionnelle, motorisation de l'engin de sport, nombre d'utilisateurs/rices, etc. La décision relève de la compétence des cantons (cf. art. 2 al. 2 LNI).

b. Obligation d'obtenir une autorisation
[73]

Comme la présomption de liberté de l'usage commun des eaux publiques (cf. art. 664 al. 3 CC) se limite à l'usage commun pur et simple et ne s'étend pas à l'usage commun accru (et à l'usage spécial ; voir à ce sujet n. 79 ss. ci-après), une utilisation de l'eau qualifiée d'usage commun accru peut être subordonnée à l'octroi d'une autorisation. L'autorisation sert en premier lieu à coordonner et à fixer des priorités entre les différentes utilisations (ATF 135 I 302 consid. 3.2 ; arrêt du TF du 10 août 2004, 2P.191/2004, consid. 4.4.1). La question de savoir si l'obligation d'obtenir une autorisation doit être explicitement prévue dans une base légale a été niée dans l'ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral (p. ex. ATF 95 I 243 consid. 3), mais laissée ouverte dans l'ATF 135 I 302 consid. 3.2, mais a laissé la question ouverte. La doctrine se prononce majoritairement en faveur de l'exigence d'une norme légale au moins relativement imprécise concernant l'obligation d'autorisation en cas d'usage commun accru (Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2286 ; BSK ZGB II-Rey/Strebel, art. 664 n. 51 ; avis contraire BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 39, 199).

[74]

Pour l'usage commun accru en matière de navigation, l'obligation de demander une autorisation au canton sur le territoire duquel se trouve le cours d'eau utilisé est expressément prévue à l'art. 2 al. 2 LNI. Le droit fédéral de la navigation intérieure ne précise toutefois pas à partir de quand la navigation est considérée comme un usage commun accru - à l'exception des manifestations nautiques (cf. art. 27 LNI et art. 72 ONI) -, raison pour laquelle l'art. 2 al. 2 LNI ne fait que confirmer la compétence de réglementation cantonale découlant de la souveraineté sur les eaux. L'autorisation ou la non-autorisation d'un usage accru des eaux ne repose donc pas sur le droit fédéral, mais sur le droit cantonal (arrêt du VGer/SG du 14 mars 1985, in : GVP 1985 n° 52, p. 117 s.).

[75]

Lors de l'octroi de l'autorisation, l'autorité cantonale compétente dispose d'une certaine marge d'appréciation. Elle doit décider selon son pouvoir d'appréciation (BK ZGB-Meier-Hayoz, Art. 664 n. 201 avec d'autres références). Il n'existe cependant en principe aucun droit à l'octroi d'une autorisation tant qu'il ne s'agit pas d'un usage commun accru pour l'exercice de libertés. Dans ce cas, la jurisprudence reconnaît un droit conditionnel à l'octroi d'une autorisation (cf. ATF 138 I 274 consid. 2.2.2 ; ATF 135 I 302 consid. 3.2 ; ATF 132 I 97 consid. 2.2). En ce qui concerne la pratique ordinaire des sports nautiques, le Tribunal fédéral a toutefois considéré jusqu'à présent que le domaine de protection de la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) n'était en principe pas touché (ATF 108 Ia 59 consid. 4a ; voir aussi à ce sujet n. 59 ci-dessus). Une quarantaine d'années plus tard, cette appréciation pourrait toutefois être différente. Un droit conditionnel à un usage commun accru pourrait exister dans le cas d'une pratique commerciale d'un sport nautique, d'autant plus qu'une telle pratique est couverte par le domaine de protection de la liberté économique (art. 27 Cst.).

[76]

Mais même en dehors de l'exercice des droits fondamentaux, l'octroi d'une autorisation n'est pas laissé à la libre appréciation de l'autorité compétente. Une autorisation ne peut en principe être refusée que si cela est justifié par des intérêts généraux de l'Etat, notamment pour des raisons d'ordre public, de sécurité, de santé, etc. (ATF 77 I 279 E. 2). Le principe de proportionnalité et le principe d'égalité de droit doivent également être pris en compte (ATF 97 I 893 consid. 6). L'autorité compétente doit mettre en balance l'intérêt de la collectivité à un usage conforme et les intérêts - éventuellement protégés par les droits fondamentaux - du requérant à un usage commun accru. L'autorisation d'usage accru permet au titulaire de l'autorisation de faire un usage déterminé, mais ne lui confère en général pas de droits acquis, contrairement à la concession (Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2287). Si les conditions d'autorisation ne sont plus remplies, l'autorisation d'utilisation peut donc être révoquée à tout moment (Flückiger, p. 18).

c. Taxe d'utilisation
[77]

Pour l'autorisation de l'usage accru du domaine public, la collectivité peut exiger une contrepartie sous la forme d'une taxe d'utilisation unique ou périodique (Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2289). En raison du principe de légalité en matière de taxes, leur perception nécessite - comme pour toutes les prestations pécuniaires de droit public - une base légale formelle (à ce sujet et sur ce qui suit, p. ex. arrêts du TF du 12 octobre 2018, 2C_699/2017 consid. 8.1, du 7 juin 2012, 2C_192/2012, consid. 2.1 ; Flückiger, p. 15 ; Jaag, p. 161). Celle-ci doit déterminer l'objet de la taxe, le cercle des assujettis et les bases de calcul (art. 127 al. 1 Cst.).

[78]

La mesure dans laquelle les exigences relatives à la détermination des bases de calcul peuvent être assouplies est déterminée en principe par l'applicabilité des principes de couverture des coûts et d'équivalence. Les taxes d'utilisation pour un usage commun accru des eaux publiques sont toutefois régulièrement des taxes causales indépendantes des coûts et ne sont donc pas soumises au principe de la couverture des coûts (ATF 143 II 283 consid. 3.7.2 ; arrêt du TF du 12.10.2018, 2C_699/2017 consid. 8.1). De même, le principe d'équivalence ne devrait guère permettre de limiter efficacement le montant des émoluments lors de l'autorisation d'un sport nautique, d'autant plus que l'utilisation à des fins sportives n'a pas de valeur commerciale et qu'elle ne peut pas non plus être comparée à des prestations similaires fournies par des particuliers (cf. Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2809). Par conséquent, le principe de légalité ne peut pas être assoupli en ce qui concerne les taxes d'utilisation pour l'usage accru du domaine public par les sports nautiques, compte tenu des principes mentionnés.

2. Utilisation spéciale

a. Généralités
[79]

Il y a usage spécial lorsque l'utilisation d'une eau publique n'est plus conforme à sa destination et que d'autres ayants droit ne sont pas seulement considérablement limités dans leur utilisation, mais en sont totalement exclus (au lieu de nombreux Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2308 ss). Contrairement à l'usage commun accru, qui est régulièrement de nature temporaire, l'usage spécial est une utilisation durable et particulièrement intensive d'une chose publique (Jaag, p. 156 ; pour la délimitation entre usage spécial et usage commun accru, voir notamment l'arrêt du TA/BE du 23 juin 1986, in : BVR 1988 p. 74 ss). Le passage de l'usage commun accru à l'usage spécial est souvent fluide ; il appartient aux cantons de régler la délimitation des deux types d'usage (BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 189).

[80]

Un indice de l'utilisation spéciale d'un cours d'eau public est notamment l'utilisation de dispositifs de construction (arrêt du TF du 2 juin 2012, 2C_900/2011, consid. 2.2 ; Flückiger, p. 67 ; Rüegger, p. 20 avec d'autres références). Dans certaines circonstances, une procédure d'autorisation de construire est également nécessaire pour la réalisation de telles constructions et installations (cf. ATF 114 Ib 81 consid.)

[81]

Dans le contexte des sports nautiques, il y a utilisation spéciale par exemple lors de l'occupation des eaux par des hangars à bateaux, des pontons et des radeaux (Comm. KV/ZH-Rüssli, art. 105 n. 8). L'utilisation du lac pour l'installation d'un slalom et d'un tremplin de saut doit également être qualifiée d'usage spécial (ATF 114 Ib 81 E. 1a). Le stationnement permanent de bateaux dans le bassin portuaire (cf. ATF 95 I 243 consid. 3) et la construction d'installations de stationnement pour bateaux constituent en principe aussi un usage spécial (cf. pour le canton de Zurich § 3 Verordnung über das Stationieren von Schiffen du 14 octobre 1992 [Stationierungsverordnung ; LS 747.4]). Hormis les installations de construction, on peut considérer que les eaux publiques font l'objet d'un usage spécial surtout en cas d'utilisation à des fins de gestion des eaux, mais pas en cas d'utilisation à des fins sportives.

b. Concession obligatoire
[82]

Le droit à l'usage spécial est accordé par une concession d'usage spécial (BSK ZGB II-Rey/Strebel, Art. 664 n. 53). Celle-ci confère à l'ayant droit un nouveau droit acquis, soumis à la garantie de la propriété, qui présente une stabilité juridique accrue par rapport à des modifications ultérieures de la loi et qui ne peut lui être retiré que contre dédommagement (ATF 145 II 140 consid. 4.2 ; Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2319 et 2721 ; BK ZGB-Meier-Hayoz, Art. 664 n. 192 ; BSK ZGB II-Rey/Strebel, Art. 664 n. 53). Cette protection renforcée sert notamment à protéger les investissements régulièrement considérables réalisés dans la confiance en la pérennité de l'utilisation, investissements qui ne seraient autrement pas effectués par des particuliers (ATF 145 II 140 consid. 4.3 ; Flückiger, p. 22). Néanmoins, une concession d'utilisation spéciale doit impérativement être limitée dans le temps, faute de quoi la collectivité publique se dessaisirait de sa souveraineté sur les eaux en accordant une concession, ce que le Tribunal fédéral considère comme contraire à la Constitution (ATF 145 II 140 consid. 6.4 ; ATF 127 II 97 consid. 6). La protection des investissements découlant de la concession ne justifie le maintien de l'usage spécial que jusqu'à l'amortissement des investissements, mais au maximum pour une durée de 80 ans (ATF 145 II 140 consid. 6.4). Il n'existe en principe pas de droit à l'octroi d'une concession d'usage spécial (Häfelin/Müller/Uhlmann, n. 2722 et 2725).

[83]

Les droits dits matrimoniaux sur les eaux publiques constituent une catégorie spéciale de droits acquis (ATF 145 II 140 consid. 5.1). Il s'agit par exemple de droits de pêche fondés sur des titres historiques ou existant depuis des temps immémoriaux (arrêt du TF du 12 octobre 2018, 2C_699/2017, consid. 5.1). Ils ne résultent donc pas de l'octroi d'une concession et, à la différence des droits de jouissance spéciale, sont en principe gratuits, mais bénéficient de la même protection renforcée que les droits acquis conférés par une concession (cf. ATF 145 II 140 consid. 6.3 et 6.5 ; voir aussi BK ZGB-Meier-Hayoz, art. 664 n. 196 s.).

c. Redevance de concession
[84]

Pour l'octroi du droit (de concession) d'utilisation spéciale d'un cours d'eau public, le canton peut, sur la base de l'art. 76 al. 4 phrase 2 Cst., percevoir une taxe de concession unique ou périodique (arrêt du TF du 2 juin 2012, 2C_900/2011, consid. 2.3). Il s'agit d'une taxe causale qui, comme la taxe d'utilisation pour un usage commun accru, nécessite une base légale (ATF 95 I 243 consid. 4a). La loi doit en principe fixer le tarif de la redevance. La décision concernant le montant de la taxe de concession ne peut pas être prise au cas par cas (ATF 95 I 243 consid. 4b).

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