Kitesurf (planche à voile pour cerf-volant)

Anne Mirjam Schneuwly
Anne Mirjam Schneuwly

Proposition pour la citation du texte original allemand : Anne Mirjam Schneuwly, Kitesurfen, in: Anne Mirjam Schneuwly (Hrsg.), Wassersportkommentar, https://wassersportkommentar.ch/BT_kitesurfen, 1. Aufl., (publiziert am 3. Juni 2022).


Bibliographie

[1]

Bianchi, Giannina/Müller, Christoph, Sicherheitsanalyse des Kitesurfens auf Schweizer Seen: Unfall-, Risikofaktoren- und Interventionsanalyse, in: Beratungsstelle für Unfallverhütung (bfu), Bern 2014; Decurtins, Nico, Nachhaltigkeit im Wassersport, in: Anne Mirjam Schneuwly (Hrsg.), Wassersportkommentar; Gfeller, Katja, Wassersport auf öffentlichen Gewässern der Schweiz, in: Anne Mirjam Schneuwly (Hrsg.), Wassersportkommentar; Gonin, Luc, Droit constitutionnel suisse, Genève 2021; Häfelin, Ulrich/Müller, Georg/Uhlmann, Felix, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8. Aufl., Zürich/St. Gallen 2020; Kraemer, Raphael, Verkehrsregelungen auf ausserordentlichen Verkehrsflächen, Unter Berücksichtigung der Geltung des SVG auf Skipisten Wanderwegen, Diss. Freiburg 2015; Kwiatkowski, André, Unfall- und Präventionsmechanismen beim Kitesurfen unter Wettkampf- und Freizeitbedingungen, Diss., Hamburg 2009; Märki, Raphaël/Wyss, Karl-Marc, Bungeesurfen im Recht, Eine verwaltungsrechtliche Einordnung des Bungeesurfens im Kanton Bern sowie haftpflicht- und versicherungsrechtliche Hinweise, in: Jusletter 8. April 2019 (zit. Jusletter); Märki, Raphaël/Wyss, Karl-Marc, Bungeesurfen, in: Anne Mirjam Schneuwly (Hrsg.), Wassersportkommentar (zit. Wassersportkommentar); Pikora, Terri J./ Braham, Rebecca/Hill, Catherine/Mills, Christina, Wet and wild: results from a pilot study assessing injuries among recreational water users in Western Australia, in: International Journal of Injury Control and Safety Promotion, Vol. 18 (2), 2011, 119 ff.; Pikora, Terri J./ Braham, Rebecca/Mills, Christina, The Epidemiology of Injuriy among Surfers, Kite Surfers and Personal Watercraft Riders: Wind and Wawes, in: Medicine and Sport Science, Vol. 58, 2012, 80 ff.; Schneuwly, Anne Mirjam, Kitesurfen im Schweizer Rechtsraum, in: AJP 4/2017 539 ff.; Zademack, Sophia, Motorboot und Wakeboard, in: Anne Mirjam Schneuwly (Hrsg.), Wassersportkommentar.

Index des matériaux

[2]

Botschaft an den Grossen Rat, Einführungsgesetz zum Bundesgesetz über die Binnenschifffahrt: Änderung, vom 18. Februar 2015 (zit. Botschaft an den Grossen Rat, Kt. Aargau); Erläuternder Bericht zur Änderung der Verordnung über die Schifffahrt auf schweizerischen Gewässern (Binnenschifffahrtsverordnung, BSV) und der Verordnung über die Typenprüfung von Schiffen (Typenprüfungsverordnung), 2001 (zit. Erläuternder Bericht); COWI, Kitesurfing and Birds – A Review, Literatur Study, Global Kitesports Association, November 2017 (zit. COWI Study); Justiz- und Sicherheitsdepartement des Kantons Luzern, Erläuterungen zu den Änderungen der Verordnung über die Schifffahrt [Vernehmlassungsentwurf] vom 8. September 2015 (zit. Vernehmlassungsentwurf Kt. Luzern); Kitesurfclub Schweiz – Kitegenossen, Factsheet Rechtslage Kitesurfen Schweiz (zit. Factsheet); Kitesurfclub Schweiz – Kitegenossen, Kitesurfen in der Schweiz, Zug 2013: (zit. Kitesurfen in der Schweiz); Kitesurfclub Schweiz – Kitegenossen, Sicherheit Kitesurfen (zit: Verhaltensregeln); Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur la navigation intérieure du 1er mai 1974, FF 1974, 1491 et ss.; Message relatif à la révision partielle 1 de la loi sur l’aviation du 20 mai 2009, FF 2009 4405 et ss.; OECD-Kodizes zur Liberalisierung des Kapitalverkehrs und der laufenden unsichtbaren Transaktionen, 2003 (zit. OECD-Kodex) ; Rapport du Conseil fédéral : Motions et postulats des conseils législatifs 2014 Extrait: Chapitre I du 6 mars 2015, FF 2015 2863 et ss.

I. Généralités sur le kitesurf

[3]

Dans la législation suisse (art. 2, al. 1 let. a ch. 16 ONI), le terme kitesurf est désigné par « Drachensegelbrett » dans la version allemande, mais par « Kitesurf » dans la version française ou italienne (en France, on utilise le terme planche aérotractée et en Italie tavola ad aquilone ou tavole con aquilone). Le terme allemand (ainsi que celui de la législation française et italienne) mentionne d'emblée les deux éléments qui caractérisent ce sport. En kitesurf, les kitesurfeurs font voler un cerf-volant qui développe une force de traction suffisante pour leur permettre de se maintenir au-dessus de l'eau et de glisser avec une planche aux pieds. La méthode de déplacement ressemble donc d'une part au wakeboard, mais à la différence de ce dernier, les kitesurfeurs/euses ne sont pas tirés sur l'eau par une force de traction motorisée (généralement un bateau à moteur spécialement équipé) (voir à ce sujet Zademack, [coming soon]) ; d'autre part, le kitesurf est apparenté à la planche à voile en raison de la composante vent. Toutefois, à la différence des kitesurfeurs/euses, les véliplanchistes ont suffisamment de flottabilité grâce à la taille de leurs planches et ont besoin du vent seul pour se déplacer. Les kitesurfeurs/euses, en revanche, ont besoin d'un vent fort dans le cerf-volant pour la fonction combinée de la portance et de la locomotion

[4]

Dans le domaine du kitesurf, il convient également de faire la distinction entre le kitesurf sur l'eau, le kite avec un buggy sur la terre ferme et le snowkite sur un terrain enneigé ou sur des eaux gelées. D'un point de vue historique, les pionniers du kitesurf ont déjà travaillé dans les années 1970 et 1980 à la construction d'une voile dirigeable qui les tracterait aussi bien sur l'eau que sur terre et en particulier sur la neige (Kitesurfclub Schweiz, Kitesurfen in der Schweiz, p. 7). Cependant, le kitesurf n'est devenu populaire qu'à la fin des années 1990 et s'est développé en une tendance mondiale. Le nombre de kitesurfeurs a rapidement augmenté ces dernières années et on compte aujourd'hui près d'un demi-million de pratiquants dans le monde.

II. Réglementation de droit public relative aux kitesurfs

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Pour le kitesurf, les deux éléments 1) le guidage d'un cerf-volant et 2) le surf sur l'eau sont juridiquement pertinents et doivent être examinés sous les normes de droit public correspondantes. Après un historique de la levée de l'interdiction du kite en Suisse, il convient de déterminer si les planches à voile à cerf-volant sont définies comme des aéronefs ou des véhicules nautiques, et si les kitesurfeurs/euses sont soumis en conséquence à la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (loi sur l'aviation, LA ; RS 748.0) ou à la loi fédérale du 3 octobre 1975 sur la navigation dans les eaux suisses (loi sur la navigation intérieure, LNI ; RS 747.201). Ce chevauchement des normes applicables peut donner lieu à des questions juridiques complexes.

A. Contexte historique : interdiction initiale du kitesurf en Suisse

[6]

Avec l'apparition du kitesurf en Suisse, les offices cantonaux de la navigation compétents ont constaté un besoin croissant de coordination et ont demandé à la Confédération de réglementer ce sport. Des incidents isolés de kitesurf ayant apparemment eu lieu, certains cantons ont demandé une interdiction générale dans les eaux suisses (Erläuternder Bericht, p. 8 ; les incidents en question n'ont pas été précisés dans ce rapport). En 2001, le législateur a finalement statué une interdiction de principe du kitesurf sur les eaux suisses avec l'art. 54 al. 2bis aONI (RO 2001 1089) : « La circulation au moyen de planches à voile tirées par des cerfs-volants est inter- dite en dehors des plans d’eau autorisés par les autorités. Les plans d’eau ne peuvent être ouverts à l’utilisation desdites planches que si la sécurité des autres usagers du lac est garantie à l’intérieur de la surface autorisée et s’il n’est pas porté atteinte au milieu ambiant ». Une réserve d'autorisation a toutefois été accordée aux services cantonaux. Ainsi, le kitesurf était initialement interdit dans toutes les régions de Suisse, à l'exception des zones autorisées par les cantons ; par exemple le lac de Silvaplana (Bündner Einführungsgesetz vom 24. September 2000 zum Bundesgesetz über die Binnenschifffahrt, EG zum BSG, BR 877.100), le lac de Walenstadt, le lac de Neuchâtel et des zones restreintes du lac d'Uri (Urner Reglement vom 14. Oktober 2003 über die Beschränkung der Schifffahrt und des Surfersports; RB 50.2115).

[7]

L'interdiction a été justifiée par des problèmes de sécurité, des questions de manœuvrabilité, des problèmes de sauvetage sur les lacs, l'absence de règles de priorité ainsi que des accidents avec d'autres usagers du lac (BO 2012 p. 830 ; motion « Traiter le kitesurf à égalité avec d'autres sports nautiques » [Curia Vista, n° de référence 12.3496]). Comme ce sport est généralement pratiqué par vent fort et que les kitesurfeurs/euses atteignent des vitesses assez élevées sur l'eau lorsque les conditions de vent le permettent, on a supposé qu'il présentât aussi un certain danger pour les autres adeptes de sports nautiques. En outre, les mesures de sécurité importantes permettant de se détacher du cerf-volant en cas d'urgence n'étaient pas encore au point au début. Mais les normes de sécurité et le matériel ont évolué et les préoccupations de l'époque sont aujourd'hui dépassées. L'expérience montre que la pratique du kitesurf n'est pas plus risquée que celle d'autres sports (pour le risque de blessure, voir ci-dessous n. 35) ; de plus, l'impact sur l'environnement est moins important que celui du bateau à moteur ou de la voile (BO 2012 S 830 ; motion « Traiter le kitesurf à égalité avec d'autres sports nautiques » [Curia Vista, n° de référence 12.3496]).

[8]

Suite à la motion du conseiller aux Etats Hans Hess, l'amélioration des normes de sécurité et les progrès techniques ont été pris en compte et l'interdiction générale a été levée le 15 février 2016 (motion Hess « Traiter le kitesurf à égalité avec d'autres sports nautiques » [Curia Vista, n° de référence 12.3496] ; BO 2012 N 2239). La levée de l'interdiction générale du kitesurf ne permettait toutefois pas de déduire un nouveau droit (fondamental) à la pratique du kitesurf sur les lacs suisses. Comme le résume parfaitement Gonin: « il n'existe pas de droit à faire du kitesurf sur un lac suisse spécifique, pas plus qu'il n'existe, en droit constitutionnel suisse, de droit à acquérir - ou posséder - une arme » (Gonin, n. 2177). Pour des raisons de protection de l'environnement, certains cantons ont tout de suite limité les surfaces d'eau libérées. En effet, dans certains cas, les ailes des kitesurfeurs se sont accrochées aux roseaux des zones protégées. Ainsi, le canton de Lucerne a interdit le kitesurf sur le lac de Sempach en 2011 (cf. Vernehmlassungsentwurf Kt. Luzern, p. 7). Les préoccupations environnementales sont même si importantes dans certains cantons que le kitesurf est interdit sur l'ensemble du territoire ; c'est le cas par exemple dans le canton d'Argovie (cf. Botschaft an den Grossen Rat, Kt. Aargau, p. 11).

[9]

Concrètement, selon l'art. 5 al. 1 let. g de l'OROEM, les spots suivants sont interdits aux kitesurfeurs/euses: Bielersee: Hagneckdelta und St. Petersinsel (vis-à-vis La Neuveville); Bodensee: Ermatingerbecken (TG), Stein am Rhein (SH, TG), Alter Rhein: Thal (SG), Rorschacher Bucht / Arbon (SG); Genfersee: Rive droite du Petit-Lac (GE, VD), Rive gauche du Petit-Lac (GE), Pointe de Promenthoux (VD), les Grangettes (VD, VS); Lac de la Gruyère à Broc (FR); Lago Maggiore: Bolle di Magadino (TI); Murtensee: Chablais (FR), Salavaux (VD); Neuenburgersee: Fanel - Chablais de Cudrefin, Pointe de Marin St. Blaise (BE, FR, VD, NE), Chevroux jusqu’à Portalban (FR, VD), Yvonand jusqu’à Cheyres (FR, VD), Grandson jusqu’à Champ-Pittet (VD); Thunersee: Kanderdelta bis Hilterfingen (BE).

[10]

Il convient encore de préciser que la levée de l'interdiction générale du kitesurf ne s'applique qu'aux eaux intérieures ainsi qu'aux lac Léman, lac Majeur et lac de Lugano. Sur le lac de Constance, le kitesurf est en principe toujours interdit (art. 16.02, al. 5, de l'ordonnance du 17 mars 1976 concernant la navigation sur le lac de Constance [Règlement de la Navigation sur le lac de Constance, RNC; RS 747.223.1]). Seule une autorisation exceptionnelle des autorités (art. 16.02 al.1 RNC) peut permettre la pratique du kitesurf dans certaines zones riveraines.

B. Droit de l'aviation

[11]

L'utilisation de l'espace aérien au-dessus de la Suisse est régie par la loi pour les aéronefs et les corps volants ; le DETEC édicte les règles de circulation correspondantes (les cerfs-volants sont soumis à l'ordonnance du DETEC du 24 novembre 1994 sur les aéronefs de catégories spéciales [OACS ; RS 748. 941]). Les aéronefs sont des appareils volants qui peuvent se soutenir dans l'atmosphère grâce à des réactions de l’air (art. 1 al. 2 LA). Le cerf-volant orientable, également appelé kite, tombe par définition sous le coup de la loi sur l'aviation et est assimilé aux cerfs-volants ainsi qu'aux parachutes cerfs-volants. Dans l'annexe à l'art. 2 al. 1 et à l'art. 23 al. 1 de l'ordonnance du 14 novembre 1973 sur l'aviation (ordonnance sur l'aviation, OSAv ; RS 748.01), ces derniers sont considérés comme des aéronefs (aérodynes) sans moteur, plus lourds que l'air. Avec une surface de voile de 4 à 18m2, le cerf-volant flotte généralement à une hauteur de 25m à 30m au-dessus des kitesurfeurs/euses, qui sont reliés aux lignes du cerf-volant par un harnais. Le dispositif de direction leur permet de déplacer le cerf-volant latéralement pour se propulser. Selon sa taille et les conditions de vent, le cerf-volant peut soulever les sportifs/ves dans les airs le temps d'un saut, mais en règle générale, les kitesurfeurs/euses évoluent sur l'eau ou le terrain et restent relié-e-s au sol.

C. Droit sur la navigation dans les eaux suisses

1. Définition selon la LNI et l’ONI

[12]

Selon l'art. 2 al. 1 let. a ch. 16 ONI, le kitesurf est « bateau à voile avec une coque fermée, tiré par des engins volants non motorisés (cerfs-volants, voiles et engins similaires). Les engins volants sont reliés par un système de cordes à la personne qui se trouve sur le kitesurf, ». Il convient de noter ici qu'il est considéré par le législateur comme un bateau à voile au sens de l'art. 2 al. 1 let. a ch. 9 et ch. 1 BSV est défini (voir à ce sujet Gfeller, n. 12). Dans les réglementations relatives à la navigation sur le lac Léman (Règlement de la navigation sur le lac Léman du 7 décembre 1976 [RS 0.747.221.11]), sur le lac de Constance (Ordonnance sur la navigation sur le lac de Constance du 17 mars 1976 [Règlement de la navigation sur le lac de Constance, RNC ; RS 747.223.1]) ainsi que sur les lacs Majeur et de Lugano (Convention entre la Suisse et l'Italie concernant la navigation sur le lac Majeur et le lac de Lugano du 2.12.1992 [RS 0.747.225.1]), le terme kitesurf n'est pas défini ; il peut toutefois être subsumé sous le terme de véhicule à voile. Conformément à la formulation de l'ONI, l'ensemble de la construction, aussi bien la planche que le cerf-volant de direction, est soumis à l'ordonnance. Si les kitesurfeurs/euses se déplacent avec leur planche de surf et leur cerf-volant dans l'espace aérien au-dessus des eaux suisses, ils sont en principe soumis à la loi sur la navigation intérieure ; en conséquence, la réglementation de l'aviation ne s'applique qu'à titre subsidiaire aux kitesurfs.

[13]

Pour une approche juridique plus concrète, il convient de distinguer les trois fonctions suivantes : Les kitesurfeurs/euses peuvent (1) faire voler leur cerf-volant en eau peu profonde ou (2) se faire emmener en eau libre par un bateau d'accompagnement afin de pouvoir décoller. Si le terrain s'y prête, les kitesurfeurs/euses (3) peuvent aussi faire décoller leur cerf-volant sur la terre ferme, pour ensuite entrer dans l'eau. Dans ces scénarios, il incombe en principe aux communes de délimiter des zones de mise à l'eau et d'accostage correspondantes, afin que les kitesurfs ne gênent pas la circulation fluviale régulière (art. 54 al. 2ter ONI en lien, p. ex., avec Anhang 5 zum Urner Reglement über die Beschränkung der Schifffahrt und des Surfersports [SR/UR 50.2115] ; pour un aperçu des ordonnances cantonales et communales, voir Kitesurfclub Schweiz, Factsheet ; voir aussi Gfeller, n. 65).

[14]

En raison de la définition de base en tant que bateau à voile, la question insolite suivante s'impose finalement : Le kitesurf est-il aussi considéré comme un bateau lorsqu'il ne se trouve pas dans l'eau, mais sur la terre ferme ? Ici encore, il faut distinguer deux scénarios : Si les kitesurfeurs/euses marchent vers l'entrée de l'eau avec leurs planches sous le bras, on peut supposer que cela est assimilé à d'autres bateaux qui sont à terre sur une remorque et que les kitesurfs ne perdent donc pas leur qualification de bateau. En revanche, si les kitesurfeurs/euses dirigent le cerf-volant directionnel à terre à des fins d'entraînement, il s'agit par définition d'un cerf-volant en application de la LA (sur la question de la qualification juridique du bodydrag, voir ci-dessous n. 43 et ss.).

2. Les règles de comportement selon la ONI

[15]

Il ressort des règles de priorité (art. 44 al. 1 let. f ONI) que les planches à voile et les kitesurfs ne bénéficient pas de la priorité et doivent s’écarter de tous les autres bateaux. Il est particulièrement important de respecter la distance par rapport aux entrées de port pour des raisons de sécurité. De même, le kitesurf n'est autorisé que de jour, entre 8 heures et 21 heures, et par temps clair (art. 54 al. 1 ONI).

[16]

En revanche, le libellé de la loi n'est pas clair en ce qui concerne l'obligation d'emporter des engins de sauvetage, qui s'applique en principe à tous les bateaux (art. 134 al. 4 ONI). Certes, les « engins de sports nautiques de compétition » , dont font partie les kitesurfs et les planches à voile, sont dispensés de cette obligation (selon l'ordonnance sur la navigation intérieure : art. 134 al. 2 en relation avec 134a al. 1 ONI ; pour le lac de Constance : art. 13.20 al. 5 let. a RNC ; pour le lac Léman, le règlement de la navigation sur le lac Léman renvoie à l'ONI et pour les lacs Majeur et de Lugano, l'art. 4 al. 2 de la convention renvoie à l'ONI). Il est toutefois ajouté qu'en dehors des zones riveraines, les engins de sport nautique peuvent être munis d’aide à la flottaison ayant une flottabilité d'au moins 75 newtons au lieu d’engins de sauvetage. Il n'est pas définitivement établi s'il faut en déduire qu'à partir d'une distance de 300 m de la rive, les engins de sport nautique de compétition doivent tout de même emporter une aide à la flottaison, par exemple sous la forme d'un gilet de sauvetage certifié ISO (SN EN ISO 12402-5:2006 dans la version de novembre 2006). Il convient de noter que la combinaison en néoprène a déjà une certaine flottaison et que le kite à tube ainsi que de nombreux modèles de planches de surf offrent également une aide à la flottaison. En France, la combinaison néoprène est déjà considérée comme une aide au sauvetage reconnue (article 204-2.05 II de la division 240, Règles de sécurité applicables à la navigation en mer sur des embarcations de longueur inférieure ou égale à 24m).

[17]

Les kitesurfs doivent porter à un endroit bien visible le nom et l'adresse du-de la propriétaire ou du-de la détenteur/rice (art. 16 al. 3 en relation avec l'art. let. b ONI). al. 1 let. d ONI ; lac de Constance : art. 2.01 al. 1 let. b ONI ; lac Léman : art. 18 al. 3 Règlement de la navigation sur le lac Léman ; lacs Majeur et de Lugano : art. 17 al. 5 let. c Règlement international de la navigation sur le lac Majeur et le lac de Lugano [RS 0.747.225.1]). L'inscription permet d'identifier les kitesurfs abandonnés sur les eaux, ce qui facilite notamment le travail de la police ainsi que des équipes de sauvetage et peut éviter des opérations de recherche et de sauvetage inutiles (Märki/Wyss, Jusletter, n. 21). Il sied de relever également d'autres règles générales de comportement : l'interdiction de pratiquer le kitesurf en état d'incapacité de due à l'alcool (état d’ébriété) ou due à des stupéfiants ou des médicaments (art. 40a ONI) et l'interdiction de pratiquer la nuit (l'art. 54 al. 1 ONI n'autorise la circulation au moyen de kitesurfs que de jour, entre 08h00 et 21h00, et uniquement par temps clair).

3. Aperçu de droit comparé des réglementations nationales des pays voisins

[18]

Dans les pays voisins le kitesurf est également autorisé en principe, mais les autorités locales peuvent limiter les zones navigables. Il convient de distinguer la navigation à l'intérieur et à l'extérieur des zones côtières. En France, par exemple, les mairies ont la compétence de distinguer et de délimiter les zones de surf et les zones de non-surf (art. L 2213 - 23 du Code général des Collectivités territoriales).

[19]

En Allemagne, certaines surfaces d'eau sont également autorisées dans le chenal pour permettre le « surf avec une planche tirée par un cerf-volant » (art. 2 al. 1 ch. 21c Seeschifffahrtsstraßen-Ordnung (SeeSchStrO) du 3 mai 1971) ainsi que le ski nautique et autres activités similaires. Le kitesurf est en principe autorisé dans les zones riveraines en dehors de ce que l'on appelle le chenal, conformément au § 31, alinéa 1 du SeeSchStrO. Dans la loi autrichienne sur la navigation, les kitesurfs sont considérés comme des « corps flottants » qui, à l'instar des palmes et autres constructions, assemblages ou objets aptes à la navigation, avec ou sans entraînement mécanique, ne sont ni des bateaux ni des installations flottantes (§ 2 Ziff. 12 Bundesgesetz vom 30. Juni 1997 über die Binnenschifffahrt (Schifffahrtsgesetz) et § 3 al. 4 Ziff. 2 Verordnung vom 15. April 2013 der Bundesministerin für Verkehr, Innovation und Technologie betreffend eine Seen- und Fluss-Verkehrsordnung; SFVO). De manière générale, les autres réglementations des pays voisins germanophones sont très similaires à celles de la Suisse. Comme en Suisse, les règles nationales relatives à la navigation intérieure définissent le cadre et des réglementations locales sont établies par le biais de consultations, par exemple pour les couloirs de départ. La règle commune à souligner est que tous les pays voisins imposent des restrictions temporelles (§ 31 Abs. 3 et § 60 Abs. 1 SeeSchStrO ; articolo 24 Ordinanza di sicurezza balneare e disciplina generale delle attività diportistiche, ordinanza No 67/2011, Ministero delle infrastrutture e dei trasporti capitaneria di porto di Cagliari) et interdisent le kite la nuit ou lorsque la visibilité est réduite. De même, les règles de priorité de tous les pays prescrivent que les kitesurfeurs et les véliplanchistes doivent éviter tous les autres bateaux (§ 31 Abs. 2 SeeSchStrO ainsi que les Internationalen Regeln vom 20. Oktober 1972 zur Verhütung von Zusammenstößen auf See [Kollisionsverhütungsregeln – KVR] ; articolo 26 ordinanza No 67/2011 ; Instruction no 00-119 J.S. du 2 août 2001, Recommandations pour la pratique des glisses aérotractées [kitesurf, char à cerf-volant]).

[20]

Il convient de noter la réglementation italienne qui a introduit une limite d'âge pour la pratique du kitesurf. Ainsi, en Italie, le kitesurf n'est autorisé qu'à partir de quatorze ans révolus (art. 23 ordinanza No 67/2011: « L'uso delle tavole con aquilone, di seguito denominate kitesurf, è consentito esclusivamente a coloro i quali abbiano compiuto i 14 anni di età. » ; art. 1 ordinanza N° 31/2007, Ministero dei trasporti, ufficio circondariale marittimo di Piombino), selon la réglementation locale, seulement à partir de seize ans révolus (art. 11 al. 2 lit. a Ordinanza di sicurezza balneare N° 68/2017, Ministero delle infrastrutture e dei trasporti capitaneria di Porto di Trieste). Toutefois, la réglementation italienne relative à la pratique du kitesurf varie également selon les régions. Comme dans tous les autres pays voisins, les directives du ministère des Transports et des Infrastructures, en l'occurrence le « Regolamento Diporto Nautico » , sont mises en œuvre par la capitainerie ou les garde-côtes locaux dans des ordonnances spécifiques au lieu, appelées « ordinanza di sicurezza balneare ».

[21]

En France, la réglementation relative à la sécurité des plages pour les baigneurs ainsi qu'aux objets flottants de toute nature est également réservée aux mairies locales ou aux municipalités (art. L2213-23 du Code Général des Collectivités Territoriales ; voir aussi le Cadre réglementaire de la pratique du surf et des activités de vagues, Direction technique nationale, 2007). Leur compétence est toutefois limitée à une zone littorale de 300 m de large. A noter qu'en eaux libres, l'emport de flotteurs ainsi que de signaux lumineux est obligatoire (art. 204-2.05 II de la Division 240, Règles de sécurité applicables à la navigation en mer sur des embarcations de longueur inférieure ou égale à 24m). De plus, la France a introduit des règles de prudence particulières au niveau national et sensibilise les kitesurfeurs/euses à diverses préoccupations écologiques (art. 17 de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée pour la discipline : cerf-volant de traction [glisses aérotractées] le 19 décembre 2002 ; décret no 2002-1269 du 18 octobre 2002). Enfin, la vitesse maximale du kite, généralement limitée à 5 nœuds dans la zone littorale, constitue une particularité qui ne peut être levée que par des dérogations accordées par les autorités locales (Instruction no 00-119 J.S. du 2 août 2001, Recommandations pour la pratique des glisses aérotractées [kitesurf, char à cerf-volant]). De telles règles se trouvent également dans les règlements italiens. Contrairement à la France, elles ne se réfèrent toutefois pas à la vitesse du kite surf, mais à la vitesse du vent mesurée. Dans certaines régions d'Italie, le kitesurf n'est même autorisé que si la vitesse du vent mesurée est inférieure ou égale à 20 nœuds (voir par ex. articolo 24 ordinanza No 67/2011).

[22]

Il ressort de la réglementation décrite ci-dessus que les normes ne sont pas harmonisées dans les pays voisins et que les kitesurfeurs/euses doivent donc prendre connaissance de la réglementation applicable sur chaque nouveau spot en Europe.

D. Règles générales de comportement des kitesurfeurs/euses

[23]

La question de savoir si le kite est considéré comme un aéronef ou un bateau à voile dépend donc des circonstances concrètes. Le déplacement sur l'eau ou sur la terre au moyen de la force du vent dans un cerf-volant combiné à une planche touche les différents espaces de souveraineté juridique de l'air, de l'eau et de la terre. La discussion sur les aspects juridiques comparés est donc très variée. Comme le kitesurf ne peut pas être classé de manière univoque dans une discipline sportive, la pratique juridique est également appelée à harmoniser la compréhension évolutive des normes et à veiller à la sécurité juridique en tenant compte des besoins des kitesurfeurs/euses. Cela vaut également pour le wingfoil et d'autres sports nautiques qui restent encore à inventer. Les règles de comportement se trouvent dans l'ONF ainsi que dans l'ONI ; en outre, le kitesurf sur certaines surfaces de circulation touche également à la LCR. En cas de litige, il est possible de se référer aux règles internationales de l'International Kiteboarding Organization (IKO) ou du Verband Deutscher Windsurfing- und Wassersportschulen (VDWS), comme l'a fait le Tribunal fédéral avec les règles de la FIS (voir aussi Märki/Wyss, Jusletter, n. 14 ; Kraemer, n. 55). Le respect du devoir général de diligence selon l'art. 22 LNB et l'art. 5 ONI est considéré comme une règle de comportement.

[24]

Le kitesurf a établi des règles de comportement de portée générale, similaires aux règles de la FIS mentionnées, qui ne peuvent certes pas être qualifiées de norme juridique, mais qui peuvent être utilisées pour interpréter la responsabilité. Elles sont basées sur les règles de priorité des normes nationales de navigation intérieure et maritime et s'appliquent à tous les kitesurfeurs/euses. En règle générale, chaque kitesurfeur/euses a suivi un cours de base et a également appris les règles de comportement et les normes de sécurité en vigueur lors des cours théoriques.

[25]

Différentes fédérations telles que l'IKO ou le VDWS représentent le kitesurf au niveau international et s'engagent en faveur des écoles de sports nautiques. Ces fédérations internationales s'engagent entre autres pour une licence qui certifie le niveau de connaissance des kitesurfeurs/euses. D'autres fédérations comme la Kitesurf and Snowkite Association e.V. (KSA), la World Water Sports Federation (WWS-WWC e.V.) ou la Fédération Française de Vol Libre (FFVL) délivrent également des licences. Cependant, même si ces classifications attestées sont parfois utilisées comme critères d'autorisation sur certains spots de kitesurf (voir p. ex. § 3 Ziff. 6 Verordnung der Bezirkshauptmannschaft Bregenz über die Zulassung und Verwendung von Kitesurfgeräten im Bereich des österreichischen Bodenseeufers in den Gemeinden Fussach, Höchst und Gaissau, vom 30. Januar 2015: «Die Verwendung von Kitesurfgeräten ist an die erfolgreiche Absolvierung eines Grundkurses (‹IKO›-Schein) gebunden.») La licence de kitesurf sert uniquement de preuve d'une pratique responsable du kitesurf sous tous les aspects de la sécurité et de valeur indicative pour les kitesurfeurs/euses ou leurs enseignant-e-x-s.

E. Kite avec un buggy sur la terre ferme et snowkite

[26]

Si les kitesurfeurs/euses roulent sur un sol ferme avec un buggy ou sur un terrain enneigé avec des skis ou un snowboard (ce qu'on appelle le snowkite), ils sont tenus à la prudence et doivent faire attention aux surfaces dégagées (voir à ce sujet internationale Verhaltensregeln des VDWS; Kitesurfclub Schweiz, Verhaltensregeln; ces règles générales peuvent aussi être déduites de la jurisprudence en vigueur ATF 122 IV 17 consid. 2b bb)). Il convient d'examiner au cas par cas si la loi du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR ; RS 741.01) et l'ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR ; RS 741.11) s'appliquent, car les règles de la circulation ne s'appliquent en principe qu'aux usagers des voies publiques.

[27]

Sont considérées comme routes publiques les surfaces de circulation utilisées par des véhicules et des piétons qui ne servent pas exclusivement à un usage privé (art. 1 al. 1 et 2 OCR). En revanche, si les kitesurfeurs/euses circulent exclusivement sur un terrain privé, ces règles ne s'appliquent pas (p. ex. lac privé). Sur les terrains publics, comme les pistes de ski, il convient toutefois de noter que la jurisprudence du Tribunal fédéral s'est déjà prononcée sur l'obligation de prudence en se référant aux dix règles de conduite FIS pour skieurs/euses et snowboardeurs/euses (règles de conduite de la Fédération Internationale de Ski, adoptées lors du congrès de Beyrouth en 1967) et en appliquant l'art. 26 LCR par analogie (ATF 106 IV 350 consid. 4 ; ATF 122 IV 17 E. 2b ; TF 6B_345/2012, 9.10.2012, E. 2.2.1). Selon cette disposition, chacun doit se comporter dans la circulation de manière à ne pas gêner ni mettre en danger les autres usagers dans l'utilisation correcte de la route.

[28]

Si le snowkite est pratiqué sur des versants de montagne qui ne relèvent pas de la responsabilité des exploitants de téléskis et de remontées mécaniques, il convient de vérifier si les adeptes de sports de neige sont soumis à la loi fédérale du 17 décembre 2010 sur les guides de montagne et les organisateurs d'autres activités à risque (RS 935.91), conformément à l'art. 1 al. 2 let. b. Les devoirs de diligence selon l'art. 2 ne s'appliquent toutefois qu'aux prestataires de telles activités (voir en détail les articles sur la randonnée à ski, le ski hors-piste et le ski de piste dans le commentaire sur les sports de montagne [coming soon]).

III. Question de responsabilité civile

A. Obligation d'assurance responsabilité civile et montant minimum de garantie

[29]

Étant donné que, comme dans tout autre sport, le risque zéro n'existe pas, les questions de droit de la responsabilité civile relatives au kitesurf sont examinées ci-après. Comme il ressort de l'analyse précédente, le kitesurf doit en principe être considéré sous l'angle des règles de l'aviation et de la navigation dans les eaux suisses. Et il ressort de ces mêmes réglementations que les kitesurfeurs/euses doivent souscrire une assurance responsabilité civile privée avec un montant minimum de garantie.

1. Règles de l'aviation

[30]

Les art. 11 OACS et 125 al. 2 OSAv dispose que les prétentions en responsabilité civile de tiers sur terre doivent être garanties par le détenteur d'un cerf-volant au moyen d'une assurance responsabilité civile avec une somme de garantie d'au moins CHF 1 million. Il est intéressant de noter que la somme de garantie déterminée par le DETEC est donc plus élevée que celle des aéronefs d'un poids au décollage inférieur à 500kg, qui a été fixée à CHF 750'000 selon l'art. 125 al. 1 let. a OSAv.

[31]

En outre, selon l'art. 20 OACS, les cerfs-volants d'un poids inférieur à 1kg et d'une hauteur de montée inférieure à 60m sont exemptés de la somme de garantie minimale. La question qui se pose ici est de savoir si le kitesurf répond aux exigences pour être dispensé de la somme minimale de garantie. Deux catégories de cerfs-volants sont utilisées dans le kitesurf : les cerfs-volants souples et les tubekites. Comme son nom l'indique, le tubekite est constitué d'un système de tubes qui donne au cerf-volant sa forme et une grande stabilité et qui lui permet en outre de flotter sur l'eau. Son poids est nettement supérieur à 1 kg. Le softkite, quant à lui, s'apparente beaucoup au parapente ; les chambres à air cousues se remplissent d'air lorsque le vent souffle, ce qui le rend très léger. Selon l'interprétation de l'art. 20 OACS, le snowkite avec une petite aile souple de moins de 1 kg ne serait donc pas soumis à une somme minimale de garantie. Néanmoins, les détenteurs sont responsables des dommages qu'ils causent et une bonne couverture d'assurance est recommandée dans tous les cas.

2. Droit sur la navigation dans les eaux suisses

[32]

Comme mentionné ci-dessus, le kitesurf est considéré comme un bateau à voile. Les bateaux à voile ne peuvent en principe être mis à l'eau que si leurs détenteurs ont conclu une assurance (art. 31 al. 1 LNI et art. 153 al. 1 ONI). Le message relatif à la LNI du 1er mai 1947 (FF 1974 I 1491 et ss.) indique également comment est apparue l'obligation d'assurance pour les propriétaires et les conducteur-e-x-s de bateaux. Suite à l'adhésion de la Suisse à la Convention pour l'unification de certaines règles en matière d'abordage des bateaux de navigation intérieure (Convention du 15 mars 1960 relative à l'unification de certaines règles en matière d'abordage des bateaux de navigation intérieure [RS 0.747.205] ; RO 1972 883) en 1972, la LNI a été introduite trois ans plus tard. Dans le cadre de la procédure de consultation relative à la LNI, il a déjà été précisé que les événements dommageables dans le domaine de la navigation, qui impliquent en règle générale des collisions de bateaux ou des collisions avec des installations du secteur de la navigation, reposent sur la responsabilité pour faute. Pour les autres cas de dommages qui ne sont pas couverts par la convention, il a été considéré que le code des obligations suffisait et que la responsabilité objective générale n'était pas justifiée. La question de savoir si les prescriptions cantonales en matière de navigation pouvaient valablement prescrire une assurance responsabilité civile obligatoire était également controversée. Il a donc été proposé d'ancrer l'obligation d'assurance dans une norme spéciale (FF 1974 I 1549 et ss., 1496).

[33]

Lors de l'adoption de l'ONI, cette obligation d'assurance a été assouplie pour certaines catégories, notamment pour les bateaux non motorisés, les rafts de moins de 2,5 m de long et les bateaux à voile sans moteur dont la surface de voile est inférieure ou égale à 15 m2 (art. 153, al. 2, ONI). Etant donné que, lors de l'introduction de la réglementation sur le kitesurf dans l'ONI, les autorités ont émis des doutes quant à la sécurité et ont avancé l'argument qu'en cas d'accident, il fallait au moins couvrir les dommages matériels, les kitesurfs ont été soumis à l'époque à une obligation d'assurance, nonobstant les exceptions de l'art. 153 al. 2 ONI (art. 153 al. 2bis ONI, voir aussi RO 2001 1089). La somme minimale de garantie pour l'événement accidentel causé par des kitesurfs a été fixée à CHF 750'000 de couverture des dommages (art. 155 al. 5 ONI).

[34]

Il est notoire que les kitesurfeurs/euses pratiquent généralement ce sport par vent fort et atteignent des grandes vitesses sur l'eau lorsque les conditions le permettent. En outre, en raison du champ de mouvements et d'une éventuelle perte de contrôle, les sauts représentent un certain danger pour les autres sportifs/ves nautiques (Bianchi/Müller, p. 15). Ce danger est toutefois considéré comme faible par les expert-e-x-s de la Swiss Kitesailing Association ainsi que par la police du lac et la police cantonale, car les kitesurfeurs/euses respectent les règles de sécurité de manière responsable et sont généralement bien formés (Bianchi/Müller, p. 15). Comme nous l'avons déjà mentionné, les mesures de sécurité critiquées au départ sont aujourd'hui standardisées et il faudrait tenir compte de ce fait lors d'une éventuelle révision de l'ONI, en exemptant les kitesurfs comme les planches à voile de l'obligation d'assurance.

B. Exclusion du kitesurf des assurances responsabilité civile

[35]

En principe, la plupart des assurances responsabilité civile privées couvrent les sommes de garantie minimales selon la LA et l'ONI. Toutefois, un grand nombre d'assurances excluent explicitement les dommages résultant d'accidents de kitesurf. La raison n'en est pas apparente, car conformément à l'art. 101b al. 6, let. a aLCA, il n'y a grand risque que si les risques concernés sont classés dans les branches d'assurance correspondantes de la responsabilité civile pour les aéronefs et de la responsabilité civile pour la navigation de véhicules maritimes, lacustres et fluviaux. En conséquence, il est fait référence à la LNI ainsi qu'à la LA, desquelles il ne ressort toutefois pas que le kitesurf tomberait dans un groupe de risques.

[36]

Le kitesurf n'est pas non plus considéré comme dangers extraordinaires ou entreprises téméraires au sens de l'art. 39 LAA (voir aussi art. 50 OLAA). En effet, comme indiqué plus haut, il est exclu que les kitesurfeurs s'exposent à une entreprise téméraire absolue qui ne pourrait pas être réduit dans une mesure raisonnable (selon la définition de la SUVA, les sports suivants relèvent notamment de l'entreprise téméraire absolue : base jumping, compétitions de plein-contact [p. ex. combats de boxe], courses de motocross, courses de bateau à moteur, compétitions de descente en VTT (downhill biking), courses de ski, plongée subaquatique à une profondeur excédant 40 m). Dans le cas particulier, le kitesurf peut tout au plus être subsumé dans l'entreprise téméraire relative, que la SUVA ne définit que pour les actions dignes de protection, pour lesquelles les risques objectivement importants n'ont pas été réduits à un niveau acceptable. En conséquence, en cas d'accident, les intérêts sont pesés et les circonstances concrètes sont prises en compte. En d'autres termes, les capacités personnelles ainsi que la manière de réaliser une action sont examinées. Les critères suivants sont considérés comme des risques particulièrement importants justifiant une réduction de 50% des prestations en espèces : la pratique d'un sport ou d'une activité à une vitesse très élevée, dans des conditions météorologiques très défavorables, avec un équipement insuffisant ou avec peu d'expérience (informations sur les entreprises téméraires relatives sur le site Internet de la SUVA). Dans de tels cas, les règles habituelles ou les consignes de prudence sont gravement enfreintes par les sportifs. Selon la SUVA, il s'agit par exemple de «Bergsteigen oder Klettern oder Schneesportaktivitäten abseits markierter Pisten bei schwerwiegender Missachtung der üblichen Gebote (Ausrüstung, Erfahrung etc.) oder Gleitschirm- und Hängegleiterfliegen bei sehr ungünstigen Windbedingungen» .

[37]

Si l'on compare les statistiques des blessures (Kwiatkowski, passim) et si l'on tient compte de l'évaluation des experts concernant le danger pour autrui, le kitesurf ne semble pas plus risqué que le ski, par exemple. Les accidents de kitesurf enregistrés jusqu'à présent en Suisse et différentes études montrent que la fréquence et la gravité des blessures restent limitées (Bianchi/Müller, p. 10 ; voir aussi Pikora/Braham/Mills, p. 80 ss ; Pikora/Braham/Hill/Mills, p. 119 ss). Par conséquent, l'exclusion du kitesurf des assurances responsabilité civile privées semble infondée. Il est plutôt préconisé de mettre sur un pied d'égalité les kitesurfeurs/euses et les véliplanchistes, car ces derniers, tout comme les skieurs/euses, ne sont pas exclus des assurances RC privées.

[38]

De plus, l'alignement sur les mesures de sécurité déjà améliorées n'a pas encore été effectué jusqu'à présent. En particulier, il n'a pas encore été suffisamment tenu compte du fait que le kitesurf est loin d'être classé dans la catégorie des sports à risque. Les statistiques des accidents montrent qu'en kitesurf, comme dans d'autres sports, le risque objectif d'accident peut être réduit à un niveau acceptable. Ce n'est qu'en cas de comportement irresponsable des kitesurfeurs/euses que l'on peut conclure à une entreprise téméraire relative, qui justifierait une réduction de la prestation d'assurance. L'exclusion des assurances RC privées est infondée, mais tant que les kitesurfs ne seront pas inclus dans le catalogue des exceptions prévu par l'art. 153 al. 2 ONI, les compagnies d'assurance se sentiront encouragées à maintenir cette exclusion. Enfin, on ne postule pas seulement l'égalité de traitement des kitesurfs en matière de responsabilité civile, mais aussi un rapprochement des législations afin que les kitesurfeurs/euses suisses aient un accès égal au marché européen de l'assurance.

C. Le préjudice subi par les kitesurfeurs/euses suisses sur le marché international des assurances

[39]

Enfin, il convient de mentionner une réglementation de l'obligation d'assurance à l'art. 35 LNI en lien avec l'art. 154 ONI. Elle dispose que les détenteurs de bateaux suisses qui naviguent dans les eaux suisses doivent être soumis à une institution d'assurance habilitée par le Conseil fédéral. Pour les bateaux étrangers, en l’espèce les kitesurfs, une assurance conclue à l'étranger est reconnue pour autant qu'elle présente la somme de garantie minimale. Cette pratique limite le marché aux entreprises ayant leur siège ou une succursale en Suisse. Cela confronte les kitesurfeurs/euses suisses à la problématique suivante : s'ils souhaitent profiter d'offres attrayantes d'assurances responsabilité civile étrangères, ils bénéficieront certes d'une protection en matière de responsabilité civile dans le monde entier pour les dommages causés par des accidents de kitesurf, mais pas pour les dommages survenus en Suisse. Cette situation est surprenante, car la Suisse se déclare en principe favorable à une politique ouverte dans le domaine des contrats d'assurance transfrontaliers actuels.

[40]

Jusqu'à la révision de la LA de 2011, il était également prescrit que les exploitants d'un aéronef inscrit au registre matricule suisse devaient être assurés contre les conséquences de leur responsabilité civile à l'égard de tiers auprès d'une entreprise d'assurance agréée par le Conseil fédéral pour cette branche d'activité en Suisse (art. 70 al. 2 aLFA). Il ressort du message relatif à la révision partielle de la loi sur l'aviation que « cette disposition, héritée de l’ancienne loi sur les assurances de 1855, serait obsolète, puisque le Conseil fédéral ne délivre plus de telles autorisations. » (FF 2009 4405 ss, 4930). Suite à l'évolution du marché de l'assurance des risques au cours des dernières années, et notamment à l'introduction du Code de l'OCDE de la libération des opérations invisibles courantes en matière d’assurances, adopté en 2003, le législateur suisse a dû réviser, entre autres, la LFA. En conséquence, les entreprises d'assurance ayant leur siège à l'étranger et ne disposant pas d'un établissement en Suisse ont été autorisées à couvrir les risques d'assurance liés à l'aviation (c'est déjà le cas pour la navigation en haute mer, l'aviation et les transports internationaux ; voir art. 1 al. 1 let. a de l'ordonnance du 9 novembre 2005 sur la surveillance des entreprises d'assurance privées [ordonnance sur la surveillance, OS ; RS 961.011]).

[41]

Le maintien de l'exigence d'un siège social ou d'un établissement en Suisse dans les réglementations relatives à la navigation intérieure ne se justifie plus. L'ouverture du marché a déjà eu lieu et les assurances « pourront être librement conclus entre un preneur d’assurances d’un Membre et tout établissement d’un assureur étranger, qu’il soit situé dans le pays de résidence du preneur ou dans un autre Membre » (FF 2009 4405 ss, 4430). Ainsi, lors de la prochaine révision, l'art. 35 LNI et l'art. 154 ONI devraient être adaptés à l'évolution et l'art. 153 al. 2bis ONI abrogé.

IV. Autres aspects

[42]

D'autres aspects particuliers du kitesurf seront examinés ci-après. En 2017, la question de la qualification juridique du bodydrag s'est posée. Par ailleurs, il convient de noter que l'inégalité de traitement du kitesurf par rapport aux autres sports nautiques en matière de réglementation du spot de mise à l'eau et de protection des oiseaux semble flagrante, même si, depuis 2012, la motion « Traiter le kitesurf à égalité avec d'autres sports nautiques » (Curia Vista, n° de référence 12.3496) avait déjà pour objectif de mettre le kitesurf sur un pied d'égalité avec les autres sports nautiques sur les eaux suisses.

A. La qualification juridique du bodydrag

1. Le jugement

[43]

En 2017, le Tribunal d'arrondissement de la Broye a dû trancher la question de savoir si le « bodydrag » pouvait être juridiquement qualifié de « kitesurf“ » et donc soumis aux réglementations de la navigation intérieure. En effet, mi-septembre 2017, un kitesurfeur a été dénoncé par la police fribourgeoise pour avoir prétendument circulé avec son kitesurf dans une zone interdite à la navigation à proximité de la plage de Protalban (eaux fribourgeoises du lac de Neuchâtel). Par ordonnance pénale du 27 octobre 2017, il a été reconnu coupable d'infraction à la loi sur la navigation intérieure (art. 40 al. 1 LNI) et condamné à une amende de CHF 100 ainsi qu'au paiement des frais de procédure. Le kitesurfeur a fait opposition à cette ordonnance pénale devant le tribunal d'arrondissement de la Broye (jugement du tribunal d'arrondissement de la Broye du 20 décembre 2017). Selon ses déclarations, il avait d'abord pratiqué le kitesurf en eaux libres, avant de descendre de sa planche et de se laisser tracter dans une partie de la zone interdite à la navigation (bodydrag), pour finalement rejoindre la rive à pied, sa planche sous le bras. Comme il n'a pas pu être clairement prouvé que le prévenu se tenait sur sa planche dans la zone interdite, il a été acquitté par le juge saisi de l'affaire. Le tribunal a en outre retenu que la traversée à pied de la zone interdite à la navigation ne tombait pas sous le coup de l'interdiction de navigation et n'était donc pas punissable.

[44]

Cet acquittement est un soulagement pour le kitesurfeur et toute la communauté suisse du kitesurf. Cependant, il reste l'incertitude de savoir comment le bodydrag doit être qualifié juridiquement.

2. La qualification juridique

[45]

Les kitesurfeurs/euses qui se déplacent avec leur planche et leur cerf-volant dans l'espace aérien au-dessus des eaux suisses ne sont pas définis comme des aéronefs conformément à la loi sur l'aviation, mais comme des bateaux soumis aux réglementations de la navigation intérieure. Dans le cas du bodydrag, les sportifs/ves se laissent tracter dans l'eau par un cerf-volant, sans pour autant se tenir sur la planche de surf. Selon l'art. 2 al. 1 let. a ch. 16 ONI, le kitesurf est « bateau à voile avec une coque fermée, tiré par des engins volants non motorisés (cerfs-volants, voiles et engins similaires). Les engins volants sont reliés par un système de cordes à la personne qui se trouve sur le kitesurf, ». Conformément à la formulation de la loi, une planche de kitesurf ne peut être désignée comme telle que si les kitesurfeurs/euses sont debout sur leur planche. Dans les versions française et italienne de l'art. 2 al. 1 let. a ch. 16 ONI, il n'est pas expressément exigé que les kitesurfeurs/euses se tiennent debout sur la planche, mais simplement qu'ils se trouvent sur la planche. On peut toutefois supposer que le législateur a voulu décrire ici le déplacement sur la planche. Le bodydrag n'y est pas inclus. On peut donc en déduire qu'un cerf-volant sans planche ou avec la planche sous le bras n'est pas un kitesurf au sens de la loi et n'est donc plus soumis aux règles de la navigation intérieure ou à l'interdiction de navigation.

[46]

Si l'on poursuit cette réflexion, l'objectif des couloirs de départ déterminés par les communes (art. 54 al. 2ter ONI), afin que les kitesurfs n'entravent pas la circulation fluviale régulière, semble miné. Selon l'art. 54 al. 2ter ONI, les autorités compétentes sont habilitées à « restreindre l’utilisation de kitesurfs dans les zones riveraines à des couloirs de départ autorisés officiellement et signalés comme tels ». En effet, le kitesurf est interdit dans la zone riveraine, en dehors des couloirs de départ (art. 54 al. 2 ONI). Il est dans l'intérêt public que les autorités compétentes puissent interdire ou restreindre la navigation sur leurs eaux, en particulier les zones sensibles des eaux (p. ex. les zones riveraines avec des réserves d'oiseaux) ou dans les zones présentant des risques particuliers (p. ex. les plages pendant la saison balnéaire) la circulation des kitesurfs (Erläuternder Bericht, p. 10). Même si le bodydrag ne correspond pas à la définition du kitesurf selon l'art. 2 al. 1 let. a ch. 16 ONI, l'interdiction de navigation ou de kitesurf s'applique également aux kitesurfeurs/euses qui se laissent tracter jusque dans les eaux libres avec leur planche sous le bras ou sans planche du tout. Le but des couloirs de départ est d'empêcher les kitesurfeurs/euses de se mettre à l'eau partout et sans restriction.

[47]

Enfin, il faut distinguer le bodydrag des kitesurfeurs/euses qui dirigent leurs cerfs-volants vers la terre ferme. Il s'agit alors, par définition, d'un cerf-volant en application de la loi sur l'aviation (voir ci-dessus n. 9). Néanmoins, un bateau à voile ne perd pas sa qualification parce qu'il se trouve à terre sur une remorque ; il en va de même pour le kitesurf. A mon avis, le jugement du Tribunal d'arrondissement de la Broye doit être compris en ce sens que le kitesurfeur qui « marche » à pied n'est pas soumis à l'interdiction de navigation, car il ne se déplace pas sur les eaux où les règles de priorité sont également applicables. Néanmoins, il reste soumis aux règles de la navigation intérieure. En effet, un kitesurf ne peut en principe être mis à l'eau que si son/sa détenteur/rice a conclu une assurance (art. 31 al. 1 LNI et art. 153 al. 1 ONI), et ce indépendamment du fait qu'il/elle/iel se tienne debout sur la planche, qu'il/elle/iel se laisse tracter dans l'eau (bodydrag) ou qu'il/elle/iel se déplace à pied vers la rive avec la planche sous le bras

3. Conclusion

[48]

Même si le jugement de première instance du Tribunal d'arrondissement de la Broye n'a pas fait avancer la question de la qualification juridique du bodydrag, il a été établi que les kitesurfeurs/euses qui se déplacent à pied avec leur planche sous le bras n'enfreignent pas l'interdiction de navigation. Mais selon des réflexions plus poussées, les kitesurfeurs/euses ne perdent pas leur qualification de bateau à voile et restent soumis aux réglementations de la navigation intérieure en raison de l'obligation de responsabilité civile. Si les kitesurfeurs/euses se laissent tracter dans l'eau avec leurs planches sous le bras (bodydrag), ils sont soumis - tout comme le kitesurf - aux réglementations de la navigation intérieure et doivent respecter les interdictions et les règles de priorité. Par conséquent, le bodydrag doit être qualifié de kitesurf et ne peut pas être utilisé pour contourner les réglementations communales sur les couloirs de départ.

B. Inégalité de traitement par rapport aux autres sports nautiques

[49]

L'intérêt pour les sports en vogue comme le kitesurf, le wingfoil ou le bugeesurf (Wyss/Märki, n. [coming soon]) ne cesse de croître et, bien que les normes de sécurité y afférentes soient continuellement harmonisées, certaines sont à la traîne. L'objectif de la motion « Traiter le kitesurf à égalité avec d'autres sports nautiques » [Curia Vista, n° de référence 12.3496] était également de mettre le kitesurf sur les eaux suisses sur un pied d'égalité avec les autres sports nautiques (RO 2014 261 et Erläuternder Bericht, p. 5 ; FF 2015 2863 et ss., 2910). Dans le cadre de la révision de l'ONI du 15 janvier 2014, l'interdiction générale du kitesurf sur les eaux suisses avait déjà été levée. Mais la promesse de traiter le kitesurf à égalité avec les autres sports nautiques n'a pas été tenue, notamment en ce qui concerne l'obligation d'assurance (art. 153 al. 2bis ONI) et la pratique de ce sport dans les zones protégées (art. 5 al. 1 let. g en lien avec l'art. 2 al. 2 OROEM).

[50]

Dans l'optique de la protection des oiseaux, le kitesurf est interdit dans certaines zones au motif que les changements permanents de direction des voiles de cerf-volant représentent un potentiel de perturbation élevé pour les oiseaux migrateurs qui nichent (Vernehmlassungsentwurf Kt. Luzern, p. 11 ; Botschaft an den Grossen Rat, Kt. Aargau, p. 3 ; prise de position du Conseil fédéral du 15 mai 2013 Interpellation « Elargir les zones protégées en raison de la reconnaissance du kitesurf comme sport nautique » [Curia Vista, n° de référence 13.3197]). Mais il semble arbitraire que le kitesurf soit le seul sport nautique à être interdit dans les zones protégées de catégorie III, alors qu'en même temps la navigation n'y est pas limitée, et que les bateaux à moteur peuvent y circuler voire même que le wakeboard y est autorisé (cf. l'inventaire fédéral des réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs d'importance internationale et nationale du 15 juillet 2015 ainsi que l'art. 5 al. 1 let. g en lien avec l'art. 2 al. 2 OROEM). L'inégalité de traitement est particulièrement flagrante en ce qui concerne la réglementation de la navigation sur le lac de Constance : les restrictions d'utilisation pour les kitesurfeurs/euses sont massivement limitées dans l'espace et dans le temps, et ce par contraste avec les autres utilisateurs des eaux tels que les bateaux à voile, les bateaux à moteur, les wakeboards ou les planches à la voile (art. 16.01 al. 1 et 5 RNC; voir ci-dessus, n. 8). Les autorités craignent les influences négatives du kitesurf sur les oiseaux en période de nidification.

[51]

Les réserves d'importance nationale et internationale doivent être protégées et les kitesurfeurs/euses ont également à cœur le bien-être des oiseaux sauvages et de la nature en général. La communauté des kitesurfeurs/euses soutient également la durabilité dans le sport (Decurtins, n. 1 et ss.). Mais l'inégalité de traitement des kitesurfeurs/euses par rapport aux autres types de sport nautique n'est pas justifiée. De nombreuses études menées par des observatoires d'oiseaux sur le territoire européen considèrent le kitesurf de manière isolée, ce qui a pour conséquence qu'aucune conclusion scientifique ne peut être tirée sur l'impact du kitesurf par rapport à d'autres activités de loisirs dans les régions côtières (COWI Study, p. 42). Il n'existe aucune preuve empirique que le kitesurf représente une plus grande menace pour les oiseaux que d'autres activités humaines sur l'eau (COWI Study, p. 43 et s.). En outre, il n'est pas tenu compte du fait que le kitesurf est pratiqué par vent fort et que plus le vent souffle, moins les oiseaux se reposent et se nourrissent dans la zone. Ce fait réduit considérablement les zones de conflit entre les oiseaux et les kitesurfeurs/euses (COWI Study, p. 44). On peut conclure que le kitesurf n'est pas plus nuisible que les autres sports nautiques.

1* Le présent texte se base sur l’article publié en 2017 dans la PJA « Kitesurfen im Schweizer Rechtsraum ».
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